Tribune JL Baroux – EasyJet, premier transporteur domestique en France

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Tribune JL Baroux - EasyJet, premier transporteur domestique en France

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes, créateur du World Air Transport Forum et de l’APG World Connect. Il fut un temps, pas si éloigné, où le transport domestique français était intégralement réservé aux compagnies françaises, Air Inter d’abord, puis Air France et les transporteurs régionaux au nombre d’une dizaine. Cette […]

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes, créateur du World Air Transport Forum et de l’APG World Connect.

Il fut un temps, pas si éloigné, où le transport domestique français était intégralement réservé aux compagnies françaises, Air Inter d’abord, puis Air France et les transporteurs régionaux au nombre d’une dizaine. Cette période est bien révolue. Le réseau aérien métropolitain est maintenant dominé par les compagnies étrangères : EasyJet pour commencer mais aussi Volotea et un peu Ryanair. Il ne reste plus que Transavia pour essayer de défendre le pavillon français, encore que cette dernière soit l’émanation de Transavia Hollande.

Petit à petit, nous vivons une situation à l’italienne où comme dans ce pays, les compagnies nationales ont été dans l’incapacité de défendre leur territoire. Ryanair s’est taillé la part du lion dans la péninsule alors qu’EasyJet a pris possession de la France. Le transporteur britannique dessert 21 escales dans notre pays et 46 destinations parmi lesquelles on ne trouve que 11 radiales. C’est-à-dire qu’elle a pris la main sur le marché transversal avec 35 dessertes. Autrement dit elle est devenue incontournable pour désenclaver notre territoire.

Certes, Transavia, le bras armé « low cost » du groupe Air France/KLM arrive à se développer car les pilotes du SNPL ont autorisé leur direction à le faire. Il est pour le moins curieux qu’il faille une autorisation syndicale pour créer et gérer une compagnie aérienne. Dans quel autre pays voit-on pareille situation ? Transavia a commencé par développer un réseau touristique autour du bassin méditerranéen avant de se lancer dans le transport domestique. Actuellement la compagnie dessert 16 escales en France avec 23 lignes métropolitaines dont 3 radiales. Ce n’est certes pas négligeable, mais on est loin du réseau domestique d’EasyJet.

Et ce n’est pas tout. D’autres transporteurs lorgnent avec quelque avidité sur le marché domestique français. La compagnie espagnole Volotea en a fait son principal champ de développement. En peu de temps, elle s’est installée dans 23 aéroports métropolitains et a créé 30 lignes, toutes transversales. Wizzair est elle aussi en train d’arriver avec des ambitions fortes. Et, bien entendu, nous ne parlons pas des lignes européennes au départ de la France, largement dominées par les transporteurs étrangers low cost.

Comment en est-on arrivé là ?

Comment la France, pays aéronautique par excellence, qui héberge le plus gros constructeur d’avions civils, l’un des premiers militaires, qui a par le passé dominé le transport long-courrier, qui a largement initié le transport aérien domestique, a-t-elle pu abandonner un outil de développement si important pour son économie ?

La première explication vient du développement effréné du transport rapide ferroviaire à un coût que personne ne s’est avisé de calculer. Le TGV a ainsi pris une part prépondérante du marché des lignes radiales. Il faut dire que les obstacles édifiés devant les clients pour prendre l’avion dans les grands aéroports parisiens y sont certainement pour beaucoup. Si les contraintes de sûreté appliquées au transport aérien devaient l’être au ferroviaire, le résultat serait sans doute différent. Si le train avait dû supporter l’intégralité de ses coûts d’infrastructure, comme c’est le cas pour le transport aérien, la situation aurait sans doute toute autre.

L'erreur d'Air France

Mais tout cela n’explique pas comment les opérateurs étrangers ont pu prendre pied sur notre territoire alors que les français y étaient installés depuis longtemps et qu’ils se sont progressivement retirés, incapables de soutenir la concurrence venue d’ailleurs.

L’affaire aurait été doute pris une autre tournure si, dès le milieu des années 1990, les dirigeants du groupe Air France avaient cru au système « low cost » au lieu de le mépriser car cela mettait en cause une manière très confortable de gérer le transport aérien. La protection de l’Etat a été en ce sens très préjudiciable à la mise en question de la gestion de la compagnie. Il a fallu attendre 2006 pour que Transavia France soit créée avec d’ailleurs toutes sortes de contraintes qui ne lui permettaient pas de se développer, particulièrement en France.

L’Aviation Civile française n’a de son côté eu comme stratégie que la protection du transporteur national, sans se préoccuper de la rentabilité de ce dernier, ni de sa capacité à résister à une concurrence qui ne pouvait pas manquer d’arriver.

Les régions s’accommodent finalement très bien d’une desserte aérienne opérée par des étrangers. Les clients y trouvent un produit très convenable à des tarifs raisonnables. La France a laissé passer sa chance, c’est bien dommage.