Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes, créateur du World Air Transport Forum et de l’APG World Connect.

Nous avons une seule certitude : la dramatique situation actuelle prendra fin un jour ou l’autre. Nous ne savons pas quand, hélas. Et nous ne savons pas comment le transport aérien pourra retrouver sa prospérité d’antan. Par contre, certains scénarios sont connus.

Tribune JL Baroux : Vers une renationalisation du transport aérien ?
Jean-Louis Baroux

L’effet domino

C’est celui qui a mis à plat tout le secteur aérien en deux mois. A partir de la Chine, les pays de l’Asie du Sud Est ont fermé leurs frontières et par voie de contamination, tous les pays qui avaient des relations avec eux se sont eux aussi repliés sur eux-mêmes. Les derniers dans le monde ont été les Américains, mais tous y sont passés. Eh bien, l’effet domino qui a terrassé les échanges de personnes entre les pays jouera probablement de la même manière pour le retour à la capacité de voyager. A partir du moment où la Chine reprendra ses voyages internationaux vers les pays asiatiques puis les pays européens, on peut parier que les autres relations bi- et multilatérales de remettront vite en route.

Le passeport santé

Il sera bien évidemment obligatoire pour se déplacer, tout comme d’ailleurs un passeport normal l’est déjà, et cela ne choque personne. Il serait surprenant que l’on arrive à un seul format tel par exemple celui développé par IATA avec le Travel Pass, car chaque pays voudra conserver ses prérogatives, et c’est bien dommage. Alors, chaque Etat sera amené à créer son propre passeport santé qu’il fera reconnaître par les autres nations ce qui donnera une grande occupation aux services des Affaires étrangères. Bien entendu, il faudra pour cela que le détenteur soit vacciné, et c’est tant mieux. Il est curieux de constater la réticence du gouvernement français à la mise en place d’un tel passeport sous je ne sais quel prétexte égalitaire. De toutes façons il sera bien obligé d’y venir et le plus tôt sera le mieux.

Remise en route progressive

Les compagnies aériennes se sont mises en sommeil et elles ont gelé leurs moyens opérationnels, tout au moins en grande partie. Elles n’avaient pas le choix. Aussi, la remise en service des exploitations ne se fera pas par un coup de baguette magique. Il faudra sans doute tester les appareils mais aussi et surtout, remettre à niveau les équipages. Ces derniers, les pilotes en particulier, ont besoin d’exercer leur métier pour maintenir leurs compétences. Pour retrouver l’excellence passée avec le même volume d’activité, il sera nécessaire de passer nombre d’équipages par des cycles de formation adaptés. Cela prendra du temps et pas mal d’argent. Durant la période d’arrêt d’exploitation, les transporteurs ont été amenés, à leur corps défendant, à licencier un grand nombre de leurs salariés. Il faudra bien alors les réembaucher à la condition qu’ils ne se soient pas dirigés vers un autre secteur d’activité.

L’écologie sera omniprésente

Elle était déjà très pressante avant la pandémie. Pendant cette dernière, la pollution induite par le transport aérien a été réduite au moins des trois quarts. Il est à craindre que ce niveau devienne la base de calcul pour la croissance des nuisances induite par la remise en route de l’activité. Probablement, un nombre important d’appareils des anciennes générations sera définitivement mis au rebut. C’est le cas pour les plus gros porteurs : Boeing 747 et Airbus 380, par exemple. Ils seront remplacés par des avions beaucoup plus performants. Ces derniers ont été massivement commandés et les constructeurs ne demandent qu’à accélérer les chaines de production. La remise en service du Boeing 737 Max est en ce sens une excellente nouvelle. Restera à repenser la gestion de l’espace aérien tout au moins en Europe. Il y a encore beaucoup de gains à faire, à la condition que les Etats acceptent enfin d’unifier le contrôle aérien de ce continent.

Et les clients ?

Personne ne sait comment les clients vont réagir. Les pessimistes pensent que le marché affaires va s’effondrer et les optimistes imaginent au contraire que les échanges économiques ont besoin de contacts personnels. Par contre, il y a un consensus pour prévoir une forte demande de déplacements pour motifs personnels. Sauf que les tarifs auxquels le transport aérien nous avait habitué au temps de sa croissance forcenée, seront inévitablement augmentés car il faudra bien équilibrer les coûts du transport aérien mondial avec un nombre de clients inférieur, et ces derniers devront acquitter en plus une taxe écologique, seul moyen de faire taire les opposants.

Tous ces sujets seront amplement débattus à l’occasion du APG World Connect qui se tiendra à l’hôtel Monte Carlo Bay et au Sporting de Monaco du 27 au 29 octobre prochains. Nul doute que les discussions seront passionnantes et les relations personnelles fructueuses.