Voyage d’affaires : le long chemin du long-courrier

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A l'occasion du 73ème congrès du BAR (Board of Airlines Representatives), Didier Bréchemier, du cabinet Roland Berger, a présenté une étude sur les voyages longue distance de demain. Et pour le business travel (BT), c'est pas brillant.

Dans la salle de séminaire Lully de l'Intercontinental Opéra, rien de baroque : les représentants des compagnies aériennes ont revêtu leur costume sombre mais les mines affichent un sourire sans fausses notes. C'est faire bonne figure, certainement, car on sent bien que, pour eux, la "plaisanterie" a assez duré.

Deux ans que l'aérien est empêtré dans les aléas sanitaires impliquant restrictions de voyages et fermetures des frontières des plus fluctuantes. Le légitime besoin de certitudes est palpable. Quoi de mieux, dès lors, qu'une enquête prospective ? C'est Didier Bréchemier, du cabinet Roland Berger, qui s'y colle. Le speaker comme l'auditoire n'ont cependant pas l'intention de se voiler la face : on s'attaque au segment le plus impacté du voyage, la longue distance.

Pas le même monde

L'étude Roland Berger porte aussi bien sur le routier que le ferroviaire et l'aérien mais c'est naturellement sur ce dernier mode que Didier Bréchemier s'attardera. Elle a été menée auprès de 7.000 personnes, acteurs de l'aérien et voyageurs, issus des Etats-Unis, de Chine et d'Europe. Et la distinction géographique est capitale : d'après les personnes interrogées, pour le long-courrier, la nouvelle normalité aura rattrapé l'ancienne (2019) cette année en Chine et aux Etats-Unis; mais pour l'Europe, il faudrait attendre... 2026-2027 !

Un hiatus de taille entre marchés uniques et marché éclaté entre pays qui n'ont pas toujours brillé par la coordination de leurs politiques. De fait, aujourd'hui, la Chine a recouvré 94% de ses vols (ce qui ne signifie pas "de ses passagers"), les Etats-Unis, 70%, quand l'Europe n'en est qu'à une quarantaine de pourcents.

Problématique BT

Pour le voyage long-courrier tourisme et famille/amis, il ne s'agirait que de patienter. Mais pour le voyage d'affaires, c'en est une autre, justement, d'affaire. Et ce, quelque soit le marché considéré. Ainsi, en 2030, l'aérien BT en Chine serait de 21% inférieur à 2019, et de 24% aux Etats-Unis et en Europe.

Sans surprise, les raisons de cette désaffection sont, dans l'ordre et quelle que soit, là encore, la région considérée, la généralisation de l'utilisation des outils de visioconférence, le durcissement des PVE (pour raisons financières, notamment) et les considérations environnementales - même si, dans ce domaine, les Etats-Unis, sont très en retrait par rapport à l'Europe et, de façon plus surprenante, la Chine... à tel point que M. Bréchemier émet des soupçons à propos d'un "filtre" du gouvernement chinois dans les réponses données... en précisant qu'il plaisantait.

Sans surprise non plus, le type de voyages d'affaires victimes de ces coupes claires : les réunions en internes, le suivi de projet... Mais pas uniquement. M. Bréchemier de citer en cas exemplaire et spectaculaire celui de Microsoft qui a annoncé vouloir diviser par quatre les déplacements de ses équipes commerciales, et, plus globalement, d'instaurer une politique drastique en matière d'empreinte carbone des voyages de ses collaborateurs.

Moins 6 points de marge

Reste que cette baisse du BT devrait impacter fortement la marge des compagnies aériennes, à hauteur de 6 points d'EBITDA (d'excédent brut d'exploitation)... Il faudra bien (tenter de) les compenser. Quelques pistes sont alors proposées, au premiers rang desquelles :

  • la nécessité d'une coopération renforcée entre l'aérien et le ferroviaire,
  • de nouvelles offres pricing, adaptées au bleisure, par exemple, ou encore au "nouveau" MICE (une substitution des maxi-congrès au profit d'événements hybrides, reliés mais éclatés géographiquement),
  • une généralisation du NDC pour augmenter les revenus ancillaires.

Bref, y a du boulot.