Carrefour des Experts GBTA (2/2) : « Avec la crise, compagnies aériennes et entreprises ont resserré leurs liens »

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L’une des tables rondes organisée par la GBTA, dans le cadre de son Carrefour des Experts Travel et MICE fin septembre, avait pour thème « Les compagnies aériennes post-covid : l’impact sur vos programmes aériens ». Aujourd’hui, nous revenons sur la gestion du segment corporate par les compagnies aériennes, sur les mesures d’adaptation des entreprises et sur l’évolution à plus ou moins long terme des tarifs aériens.

La première partie de notre compte rendu, hier, portait notamment sur la santé des compagnies aériennes (lire ici). Au regard de la crise du transport aérien, les acheteurs et travel managers ont du eux aussi s’adapter au nouveau contexte sanitaire. « D’un point de vue humain, on doit s’assurer du rythme de travail de nos contacts chez les compagnies aériennes. Nombre d’entre eux sont en chômage partiel et rares sont ceux qui ont repris à 100% », a d’abord indiqué Ondine Bedetti, Global Lead Buyer Travel chez BNP Paribas. Nous constatons par ailleurs qu’il y a eu beaucoup de changements dans les compagnies aériennes depuis mars dernier, suite à des réorganisations en interne. Mon rôle est de m’assurer que la liste de mes interlocuteurs est à jour« .

Source GBTA

Ondine Bedetti a relevé aussi une nette amélioration dans la communication des compagnies aériennes, avec des échanges plus réguliers, afin d’en savoir plus sur la santé financière de l’entreprise, pour communiquer également sur les ouvertures et fermetures de lignes, de salons, sur les services à disposition des collaborateurs, sur les conditions d’échanges et de remboursements… « De mon côté, je leur précise les updates sur les restrictions de déplacement, les évolutions de la politique voyage, je réponds à leur questionnaire en interne, afin qu’elles aient un maximum d’information à leur disposition« . Les TM font aussi le tremplin entre les compagnies et les agences de voyages, afin de s’assurer que les différents intervenants disposent tous du même degré d’information.

A l’adresse des entreprises, les compagnies ont elles aussi adapté leurs offres. « Dans ce contexte de crise, nous avons essayé d’être innovants sur trois axes, d’abord la question sanitaire, le gros morceau bien sûr avec notamment la mise en place de protocoles nouveaux. La flexibilité commerciale ensuite avec tous nos billets modifiables et transmissibles à un collaborateur. La communication enfin, qui nous a poussé à être le plus au contact possible avec les clients« , a souligné François Maigné, responsable des comptes globaux Air France-KLM.

Quid des changements en terme de règles tarifaires ? « Il n’y a plus de businesss review comme auparavant, pour mesurer la performance passée et future, car les chiffres ne sont plus représentatifs« , a poursuivi Ondine Bedetti, notant qu’il fallait aussi veiller à ce que les tarifs – y compris ceux récemment renégociés – aient bien été chargés, qu’il n’y ait pas de coupures dans le service.

« Les tarifs fixes ne sont-ils pas amenés à disparaitre ? En effet, ils ne permettent pas une agilité tarifaire très grande« , a relevé pour sa part Aurélie Duprez, Founding Partner d’Areka Consulting. L’animatrice de la table ronde (avec Christina Guessous, Country Sales Manager France de United Airlines) a déjà constaté une modification des règles tarifaires avec beaucoup plus de flexibilité. « On peut se demander si l’on pourra encore négocier des taux de remises sur les routes monopolistiques« , s’est-elle toutefois interrogée.

La market share, un indicateur pérenne

Quid des contrats corporate ? « Ils ont plus que jamais un avenir. Il faut savoir que la clientèle affaires est notre cœur de cible, ce qui explique notre volonté d’être toujours plus proche des acheteurs et travel managers, de comprendre et répondre au mieux à leur besoin, d’entretenir cette relation gagnant-gagnant, a expliqué François Maigné (Air France-KLM). Certains clients nous ont dit qu’ils souhaitaient reconduire les contrats en l’état jusqu’à la fin de l’année ou au premier trimestre 2021, d’autres ont préféré garder le calendrier initial de renouvellement du contrat ou de l’appel d’offres ».

« Si l’on va plus loin dans le contenu de ces programmes, la très grande majorité des objectifs mis en place avec nos clients corporate était basé sur la market share, a rappelé François Maigné. C’est un indicateur très pérenne. Cette crise, en revanche, entérine la mort des indicateurs basés sur la croissance du revenu. On ne va pas retrouver les volumes de dépense de 2019 avant 2023, 2024 ou 2025. Mais tant que l’on n’est pas capable de mesurer une performance, des mécanismes tels que les remises de fin d’année sont mis entre parenthèse. Cet indicateur de performance va être gelé encore quelques mois. Mais il redeviendra très pertinent dès la reprise » a-t-il poursuivi.

Les prix, une question d’ajustement entre offre et demande

Comment les tarifs pourraient-ils évoluer dans les prochains mois ? A relativement court terme, plusieurs facteurs poussent les prix fortement à la baisse, qu’il s’agisse du carburant bas, d’un excès de capacité couplé à une demande en berne, ou encore de politiques commerciales agressives, notamment de la part des compagnies low-costs, pour gagner des parts de marché.

« A plus long terme, on peut en revanche s’attendre à un ajustement de l’offre et de la demande, permettant aux compagnies aériennes de remonter leurs tarifs pour retrouver leurs marges« , prévoit Aurélie Duprez. En parallèle, le coût de certaines mesures sanitaires peuvent être répercuté sur les tarifs. Les compagnies aériennes ont évité en revanche la plus pénalisante, la condamnation du siège du milieu.

« Nous n’avons pas pris de mesures pour modifier notre structure de prix, pour augmenter arbitrairement nos tarifs, a poursuivi François Maigné. D’ici un ou deux ans, nous devrions en revanche trouver un nouvel équilibre entre l’offre et la demande, et constater une stabilisation des prix« .

Même constat pour Gilles Talec, directeur commercial France et Europe d’Air Austral, qui note que les politiques tarifaires agressives de certaines compagnies ne sont pas efficaces, la demande n’étant pas au rendez-vous. « Un point important à souligner aussi, c’est l’étroitesse des marges des compagnies, notamment sur le long-courrier. On a pu le constater même dans les très belles années« , a-t-il ajouté.

« Je suis raisonnablement optimiste pour les acheteurs et les travel managers, moins pour nous les compagnies aériennes, a souligné Jean-François Raudin, directeur général France d’Air Canada. Beaucoup de ces dernières, en sortie de crise, vont avoir besoin de reconstituer très rapidement leur trésorerie. Et la pratique des bas prix pourraient se maintenir encore un certain temps. Avec la volonté de redynamiser la demande qui était déjà inférieure à l’offre avant la crise… « .