Paris Air Forum : les patrons de l’aérien font le point sur le voyage d’affaires

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Quel sera, à plus ou moins brève échéance, l’impact de la pandémie sur le voyage d’affaires en avion ? Comment les compagnies aériennes vont-elles adapter leurs flottes et leurs classes premium une fois la crise terminée ? Le point à point sera-t-il le grand gagnant de la reprise, au détriment du hub ? Telles furent certaines des questions abordées ce lundi par les plus grands dirigeants du transport aérien.

Le Paris Air Forum a été créé en 2014 par La Tribune, le groupe ADP et Forum Media. Ce lundi 21 juin, la 8ème édition était organisée en direct du Musée de l’air et de l’espace au Bourget, en format 100% digital. Il a réuni la plupart des spécialistes et grands patrons des secteurs de l’aéronautique et du transport aérien, dans le cadre de débats, conférences et keynotes étalés sur la journée.

Les voyageurs d’affaires sont bien sûr une préoccupation majeure pour le secteur du transport aérien : ils représentent 25% des passagers mais 55 à 75% des profits des compagnies traditionnelles. Thomas Juin, le président de l’UAF (Union des Aéroports Français), a rappelé que le secteur était dans une phase de profonde transformation. « Et l’on ne re-voyagera pas de la même façon une fois terminée la crise sanitaire« . La visioconférence est notamment entrée dans les mœurs. « Quand on voit des analyses prospectives qui vous annoncent une baisse de 40% des déplacements d’affaires à moyen-terme, cela pose question !« , a-t-il indiqué.

Arnaud Vaissié, PDG d’International SOS et président d’AOK pass, préfère parler de confiance plutôt que de changement de comportement. Et il se montre convaincu de la reprise des déplacements professionnels une fois cette confiance revenue. « Cette relance va être lente et progressive. Sur le plan sanitaire, les entreprises sont en effet très exigeantes. Aujourd’hui, nous avons sept fois plus d’appels par voyage d’affaires qu’avant la crise. Il y a une attente extrêmement forte des entreprises et des collaborateurs pour une reprise des déplacements mais d’une façon sûre« .

Ben Smith, le directeur général du groupe Air France-KLM, a lui aussi la conviction que « le trafic affaires va revenir très fort, pour atteindre ses niveaux antérieurs à la crise en 2024 ou 2025« . Jozsef Varadi, cofondateur de Wizz Air, ne doute pas non plus que la low-cost retrouvera à terme l’ensemble de ses passagers d’affaires. Mais il n’entend pas courtiser cette clientèle en faisant des entorses à son modèle économique, tel le choix d’opérer sur des aéroports secondaires, à l’instar de Ryanair.
Plusieurs intervenants ont évoqué à la fois l’avenir du voyage d’affaires mais aussi celui des classes avant des appareils, tenant toutefois à décorréler ces deux volets, comme l’ont rappelé les dirigeants de Lufthansa et d’Air France. Pour ce dernier, « plus d’un siège sur deux des cabines premium était occupé par un passager loisir avant la crise. Nous sommes moins exposées que nos grandes concurrentes européennes tel IAG (British Airways, Iberia…) à la baisse du nombre de voyageurs d’affaires« . Le patron d’Air France-KLM se montre par ailleurs très optimiste sur l’avenir de La Première. « Elle est probablement la meilleure première classe au monde, et fait partie de l’ADN de la compagnie. Elle est profitable, et nous allons bien sûr la garder« . Ben Smith ne voit pas non plus de changements dans la demande de la Premium Economy qui n’a cessé de trouver son public depuis son lancement après la crise des subprimes.

« Un tiers des cabines de notre flotte long-courrier est ajustable selon la demande et nous offre ainsi davantage de flexibilité » s’est également félicité Ben Smith. Air France a en outre retiré tous les A380 de sa flotte, des appareils dotés d’espaces premium conséquents. Et la compagnie de s’attendre à vivre au rythme des montagnes russes dans les deux prochaines années, en quête du meilleur équilibre possible entre offre et demande.
Plusieurs intervenants sont revenus sur le fait de savoir qui allait sortir gagnant de la crise, le point à point ou le modèle basé sur le hub. Pascal de Izaguire, le PDG de Corsair, penche clairement pour le premier « si l’on se place du côté du consommateur. Le point à point favorise les fréquences, les liaisons directes depuis la province, et permet de réduire l’empreinte carbone…« . Et cela évite aussi des correspondances parfois stressantes dans ces aéroports aux multiples terminaux. De nouveaux avions tel le futur A321XLR pourraient en outre favoriser le point à point, en séduisant notamment les low-costs et des compagnies spécialisées sur le segment affaires. Ben Smith mentionne plutôt le développement du point à point sur le court moyen-courrier, citant à l’appui l’adoption du modèle low-cost sur le domestique et les prévisions de croissance de Transavia France, soit un doublement de sa taille entre 2021 et 2025… Et le DG d’Air France-KLM d’insister ensuite sur la nécessité pour la compagnie de continuer à alimenter ses principaux hubs…

Willie Walsh, directeur général de IATA, reste pour sa part convaincu des atouts des hubs, notamment en termes de connectivité, et ne pense pas que la pandémie va modifier les fondamentaux de l’activité aérienne. Akbar Al Baker, PDG de Qatar Airways, est bien sûr sur la même longueur d’ondes. Il est vrai que les compagnies du Golfe n’ont pas de réseau domestique et ont basé l’essentiel de leur activité sur les logiques de correspondances…