5 conseils pour lutter contre la dictature du mail

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Avec en moyenne plus de 150 mails par jour, les salariés français sont sollicités en permanence par leur messagerie... y compris en dehors de leurs horaires de travail. Face à la pression permanente du courrier électronique, plusieurs spécialistes du stress au travail, réunis en congrès à Chicago les 19 et 20 janvier dernier, se sont prononcés pour des règles de bonne conduite en matière d’échanges électroniques.

On le constate tous les jours en déplacement professionnel, le mail est devenu un outil de liaison avec l’entreprise qu’il serait difficile de remplacer par le seul téléphone. Mais derrière les avantages se cachent les risques : un « burn out » sur deux est le fruit d’une forte pression professionnelle où les mails prennent toute leur place !  Ils sont généralement cités en seconde position des raisons de qui conduisent à l’extrême fatigue professionnelle.

Quelle que soit sa forme, le courrier électronique permet des échanges rapides qui ne tiennent pas forcément compte des règles épistolaires classiques. Parfois, un simple « oui » en réponse à une question ou un texte bref et concis suffisent pour faire avancer un dossier. Idéal quand on veut aller vite.

Le  mail est devenu le premier outil de communication au sein de l’entreprise… Tout comme à l’extérieur. Son utilisation, parfois exagérée, conduit de plus en plus les DRH à repenser à de bonnes pratiques sur le sujet. La messagerie, et on le constate tous les jours, est un formidable outil relationnel qui devient vite intrusif et conduit à des excès, sources de stress. Bonnes pratiques ? Reste à les définir. Pas d’envois de mails en dehors des heures de travail (sauf pour ceux qui se déplacent), un rappel formel à ceux qui envoient trop de mails inutiles juste pour se couvrir, une formation anti stress pour les assistantes,... Les pistes ne manquent pas.

Les questions posées par le mail ne sont pas récentes : faut-il répondre immédiatement ? Faut-il consulter en permanence sa messagerie ? Est-on en faute si l’on ne prend pas le temps de répondre à un courriel de sa hiérarchie ? Les situations sont multiples même si, généralement, il suffit d’un minimum de règles pour les gérer.
Face à cette addiction, les spécialistes du stress au travail donnent des conseils simples, faciles à mettre en œuvre, et qui vont permettre en quelques semaines de réguler l’utilisation de sa messagerie.

S’astreindre à limiter la consultation des mails

Avoir le regard permanent sur ses mails est une erreur que commettent un très grand nombre de salariés qui auraient le sentiment de ne plus être en contact avec leur entreprise s’il n’avait pas sous les yeux les derniers messages reçus. Erreur grossière. Mais au final, et tous les experts sont formels, la consultation immédiate et surtout la réponse immédiate sont source d’erreurs professionnelles, faute de prendre le temps d’analyser la réponse à apporter. «Qui n’a pas été victime d’un mail parti trop vite et vite regretté par celui qu’il avait écrit ?», remarque le Docteur Frank Lipman, spécialiste américain du stress au travail, «C’est une erreur qu’il est difficile de réparer aussi vite que l’envoi du mail». Et la meilleure façon d’éviter ce type de problème, c’est de s’astreindre à ne regarder ses mails que toutes les 15 minutes dans le pire des cas. Toutes les 30 minutes en règle générale. D’autant plus, que l’urgence, la vraie, se traitera en priorité par le téléphone plus que par e-mail.

Lutter contre la précipitation, voilà donc le premier conseil donné par tous les spécialistes: «Les erreurs au travail sont généralement le fruit d’une pression que chacun se donne et qui n’est pas forcément celle souhaitée par l’entreprise », souligne Frank Lipman.

Attendre est la première qualité professionnelle face aux mails

Réagir et anticiper, sont deux qualités essentielles d’un bon dirigeant. La précipitation est son pire défaut. Il faut donc, avant même de répondre aux mails trouvés dans sa boîte, réfléchir aux conséquences que pourrait avoir cette réponse. C’est ce que l’on appelle «une cascade situationnelle» qui conduit généralement à s’interroger, au-delà du mail envoyé, à la chaîne qu’il induit en formulant la réponse. Là aussi, la solution la plus simple c’est de s’astreindre à n’adresser un retour aux mails reçus qu’après une dizaine de minutes minimum. Mieux, dans les jeux de stratégie du pouvoir, très largement développés dans les pays anglo-saxons, le temps de réponse dépend de la situation hiérarchique de l’expéditeur associé à une règle de temps très stricte appliquée avant de répondre : 30 minutes pour un collaborateur de même niveau, 45 minutes pour un subalterne, 10 à 15 minutes pour un supérieur. Ne pas déroger à la règle, c’est se former une image de salarié responsable qui réfléchit avant d’écrire ou de s’engager. Enfin, une astuce utilisée aux USA et au Canada, consiste à créer un message en «retour automatique» adressé aux adresses mails internes. Un texte simple qui précise par exemple: «je ne pourrais pas vous répondre avant une heure car je travaille sur un dossier complexe qui, dans l’intérêt de nos affaires, demande une très forte attention».

Ne jamais commencer la journée en regardant ses mails

C’est une erreur généralement commise par tout ceux qui arrive de bonne heure au bureau. Ils ont le sentiment qu’en se débarrassant d’un grand nombre de mails, ils auront été productifs. En fait, c’est tout le contraire qui se passe. La dispersion de la réflexion, associée au traitement d’un grand nombre de sujets différents, conduit généralement à des erreurs d’analyse. On oublie le plus important, au détriment d’un ensemble de faits, souvent variés, qui n’ont pas forcément l’importance qu’on leur accorde.
Comment lutter contre cette attitude ? Avec un stylo tout simplement, répondent les spécialistes qui expliquent qu’il n’est pas inutile en début de journée d’écrire sur des post-it, ou un bloc-notes, les tâches les plus essentielles qu’il faudra avoir terminées avant la fin de la journée de travail. Les plus courageux, habitués aux « to do list » pourront même la compléter par les appels téléphoniques urgents du jour et une réflexion autour de ce que les Anglais appellent «l’échelle du risque imminent», à savoir les problèmes qui pourraient survenir dans la journée de travail.

Reprendre l’habitude du téléphone

Face un mail compliqué, on peut se dire qu’une explication détaillée s’impose. Il faut donc remplacer le courriel par un appel téléphonique qui permet de répondre plus clairement et plus rapidement à des interrogations complexes. Attention, il ne faut réserver cette solution qu’en présence d’un cas difficile, lorsque la réponse n’est pas aussi simple que pourrait le demander expéditeur. Pour le Docteur Andrew Weil, la gestion du stress occasionné par les mails doit naturellement passer par une meilleure organisation de son temps de travail et une réactivité mesurée en fonction des attentes formulées par les collaborateurs ou l’environnement. En clair, il faut dans tous les cas de figure éviter la précipitation et privilégier la réflexion.

Apprenez à classer vos mails

Dans certaines entreprises, un commercial peut recevoir entre 2 et 300 mails par jour. Il  faut très vite apprendre à organiser son temps et la nature de l’urgence à apporter aux réponses. C’est tout l’art de la hiérarchisation des mails qui se place dans la continuité des situations complexes à gérer. Le conseil ? Créer des dossiers personnalisés au sein de sa boîte de réception ainsi que des règles qui orienteront directement les messages de certains interlocuteurs à l’intérieur de ces dossiers. Un travail de préparation qui permet ensuite de gagner du temps et de traiter en priorité les éléments les plus importants de son activité professionnelle. Les règles de courrier peuvent se faire sur plusieurs critères : leur origine, l’expéditeur, la nature de l’objet, la date de réception… on peut ainsi orienter directement les mails du SAV dans un dossier moins urgent et privilégier ceux des clients qui, par définition, n’aiment pas attendre.

Gérer ses mails est devenu une science à part entière. Dans les pays anglo-saxons, des stages internes sont organisés pour permettre de limiter le stress des salariés face à l’arrivée massive de courriels. Pour Andrew Weil, apprendre à réfléchir avant d’agir est une qualité qui se perd dans les sociétés… La faute aux mails!

Philippe Lantris