Grève des contrôleurs aériens du 24 au 29 juin: le dessous des cartes

72

C’est reparti. Une énième grève des syndicats CGT et SUD de la SNCF terminée, en eau de boudin, et déclenchée pour obtenir ce que le gouvernement voulait justement donner à l’entreprise, et voilà que les contrôleurs aériens des syndicats majoritaires SNCTA (Syndicat National des Contrôleurs du Trafic Aérien) et de UNSA-ICNA (Union Nationale ses Syndicats Autonomes – Ingénieurs du Contrôle de la Navigation Aérienne) se mettent de la partie. Ils ont déposé un préavis de grève du 24 au 29 juin. Pourquoi donc et pourquoi maintenant ?

Si j’ai bien compris les communiqués de presse des deux organisations, il s’agirait de défendre le budget de l’Aviation Civile et particulièrement celui affecté au contrôle aérien pour la période allant de 2015 à 2019. Si j’ai toujours bien lu, le contrôle aérien en France serait en grand danger de perte des moyens techniques élémentaires, faute des investissements nécessaires. Il y aurait même des fuites d’eau dans les toits de certaines tours de contrôle. Bref tout cela semble effectivement dramatique et on se demande bien pourquoi les Pouvoirs Publics ne remédient pas à ces dysfonctionnements. La sécurité des passagers est mise en cause, ni plus ni moins. Ce n’est tout de même pas rien.

Mais à y regarder de plus près l’affaire semble prendre une toute autre tournure. Si je lis la lettre envoyée au Secrétaire d’Etat aux Transports, l’INCA «revendique que la France présente un Plan de Performance de la Navigation Aérienne pour 2015 – 2019 soutenant un taux unitaire de redevances défini par des prévisions de trafic réalistes et une évaluation pragmatique des coûts d’investissement et de fonctionnement». En clair, pas question de faire baisser les redevances payées par les compagnies aériennes et pas question de faire de quelconques économies de fonctionnement. Or justement c’est bien ce à quoi la Commissions Européenne s’est attachée. Il s’agit ni plus ni moins de rendre un peu plus moderne ce service devenu archaïque, atomisé en Europe en 27 systèmes différents, 60 centres et 650 secteurs aériens pour une surface qui 1/3 des Etats Unis.

Il est urgent en effet d’améliorer ce secteur d’activité qui fait parcourir en moyenne 42 kilomètres supplémentaires lors de chaque vol et dont le surcoût est de l’ordre de 5 milliards d’€ par an. On pourrait donc penser que les syndicats et la Commission sont sur la même longueur d’onde. Sauf qu’il faut lire la suite de la lettre à Monsieur Cuvillier : «En outre, l’UNSA-ICNA revendique que ce taux s’accompagne de réponses satisfaisantes aux questions d’effectifs et de conditions d’emploi des ICNA pour cette période 2015-2019.»

Nous y voilà. En fait, nos contrôleurs ont peur que la réorganisation et la modernisation nécessaires du contrôle aérien européen n’aient pour conséquence de faire apparaître l’énorme sureffectif des contrôleurs français et la multiplication des unités de contrôle même dans les plateformes où elles ne se justifient pas, surtout avec les moyens modernes qui pourraient être mis en service. Donc ces messieurs-dames ne veulent pas entendre le mot changement ni même amélioration du service, et a fortiori ils ne veulent pas toucher aux fameuses conditions d’emploi qui ont fait l’objet par le passé de polémiques largement médiatisées. Pas question même d’envisager de faire des efforts de productivité. Or même si le contrôle aérien français est performant en termes de sécurité, ce que personne ne songe à nier, il est sur le plan économique parfaitement désastreux. Rappelons qu’une étude du Sénat a fait apparaître qu’un contrôleur français traite 27.600 passagers par an alors que son homologue américain en traite 70.300, l’allemand 91.400 et le britannique 109.180.

Alors pour protéger cet archaïsme, la grève parait le bon moyen. Autant déclencher tout de suite l’artillerie lourde, surtout au début de la saison estivale. Le site Internet du SNCTA est d’ailleurs sans ambiguïté. Il affiche sur sa première page ses objectifs : «il œuvre pour que la construction de l’Europe au niveau du contrôle aérien soit conforme aux intérêts des contrôleurs et des usagers du transport aérien». Tout est dit. Je note en passant que nos syndicats ont tout simplement oublié que les passagers étaient avant tout des clients et non des usagers et qu’ils paient pour avoir le droit à un service que justement ils refusent de rendre en arrêtant le travail, sans imaginer les conséquences pour ceux qui ont acheté leurs billets longtemps à l’avance et qui ne pourront pas les changer, ni même les faire rembourser, alors que la DGAC a demandé aux compagnies d’abattre 50% de leur programme d’exploitation prévu pendant les jours de grève.

Le Président de la République a décrété le tourisme «grande cause nationale», Monsieur Laurent Fabius se démène pour accueillir les passagers étrangers dans les aéroports, on vient de terminer les assises du tourisme en constatant que c’est un des secteurs les plus performants en termes de commerce extérieur. Un grand merci aux contrôleurs pour leur accompagnement de ces efforts !

Jean-Louis BAROUX