Sécurité : la crise sanitaire n’a pas que des effets sanitaires (4/5) – L’Europe

304
Sécurité : la crise sanitaire n'a pas que des effets sanitaires (4/5) - L'Europe
Sur la place Rouge...(ph : Sergei Savostyanov/TASS)

International SOS vient de publier un livre blanc intitulé « Covid-19 et sécurité dans le monde » répertoriant les implications sociales, politiques et économiques induites par la crise sanitaire. Nous reprenons, dans ce troisième compte-rendu, les principales analyses concernant le continent européen, de l'Atlantique à l'Oural.

Points clés

  • Au sein de l'UE, les mouvements de protestation actuellement en sommeil risquent de retourner dans les rues une fois que les plans de sauvetage nationaux auront expiré. En Europe occidentale, les théoriciens de la conspiration utilisent les médias sociaux pour gagner du terrain dans les débats publics, ce qui alimente la méfiance à l'égard de la gestion de la pandémie par les autorités.
  • La dépendance à l'égard des revenus des exportations pétrolières et des envois de fonds des travailleurs migrants confrontés à la fermeture des frontières entraînera de graves difficultés économiques dans la région de l'Europe orientale et de l'Asie centrale (EOCAC), déclenchant des protestations, y compris dans les pays qui ne sont habituellement pas sujets à l'agitation sociale.

Union européenne

  • Pour les pays de l'UE, la pandémie a ravivé la question de la solidarité au sein de l'Union, car la crise a des répercussions différentes sur les économies du Nord et du Sud. Fin juillet, les États membres se sont mis d'accord sur un plan de soutien financier pour faire face à certaines des conséquences immédiates de la pandémie sur les citoyens, notamment une forte hausse du chômage.
  • Néanmoins, la plupart des mesures nationales de sauvetage devraient expirer vers la fin de l'année ou au premier trimestre 2021, ce qui ramènera la question sur le devant de la scène, en particulier si un troisième pic d'infections amène les gouvernements à revenir à des mesures de confinement plus strictes - avec de nouvelles conséquences économiques sur les entreprises et les emplois.
  • Après un premier respect des mesures de confinement durant le printemps 2020, des pays comme la Belgique, la France, l'Allemagne et l'Italie ont vu le retour des protestations et du mécontentement civil. Les protestations ont rassemblé des groupes de divers horizons politiques ainsi que des groupes marginaux, y compris des théoriciens du complot, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni. Cette situation risque de se poursuivre, en particulier si les gouvernements doivent rétablir des restrictions plus strictes pour freiner la propagation de COVID-19, étant donné la méfiance croissante à l'égard des autorités, alimentée par la désinformation des médias sociaux.
  • Des manifestations similaires ont eu lieu en Italie, tandis qu'en France, le mouvement de protestation des "gilets jaunes" a repris ses rassemblements, ajoutant à sa liste de griefs socio-économiques la gestion plus large de la pandémie par le gouvernement. Les pays de la région de l'EOCAC continueront à faire face à des défis économiques exacerbés par la fermeture persistante des frontières et les restrictions de voyage.

Europe centrale et orientale

  • L'Azerbaïdjan, le Kazakhstan et la Russie devront faire face à l'impact de la baisse des revenus des exportations de pétrole depuis mars.
  • Le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan, qui comptent traditionnellement un grand nombre de travailleurs migrants en Russie et, dans une moindre mesure, au Kazakhstan, ont été touchés par la diminution des envois de fonds. Des protestations de bas niveau suscitées par des griefs économiques se produiront à court et à moyen terme, car un nombre croissant de personnes sont poussées sous le seuil de pauvreté en raison de la hausse du chômage, des restrictions permanentes aux voyages et du soutien économique limité des gouvernements.
  • La pandémie a également eu un impact sur le déclenchement des hostilités entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan au sujet de la région du Haut-Karabakh et des questions connexes en juillet et septembre-octobre 2020. Les restrictions liées à COVID-19 ont incité l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à suspendre la mission de surveillance déjà limitée dans la région. Toutefois, la position ferme adoptée par l'Arménie et l'Azerbaïdjan a également lié les sentiments patriotiques élevés à un soutien plus large du public au gouvernement, réduisant le ressentiment à l'égard des conséquences économiques de COVID-19.
  • La pandémie a perturbé huit scrutins électoraux, dont trois en octobre dernier en Ukraine, en Géorgie et au Tadjikistan. Les critiques concernant la gestion de la crise par le gouvernement ont contribué à la forte mobilisation des électeurs lors de l'élection présidentielle du 9 août au Belarus. Depuis le scrutin, les protestations très suivies exigeant la démission du président Alexandre Loukachenko se sont poursuivies dans tout le pays, sans qu'aucune solution politique ne soit en vue.
  • Au Kirghizstan, le mécontentement suscité par la réponse du gouvernement à la pandémie à l'approche des élections législatives du 4 octobre a rendu peu plausible la médiocrité des résultats des partis d'opposition. Les rapports faisant état d'achats de votes par les partis liés au gouvernement sont crédibles compte tenu des graves conséquences économiques de la pandémie. Les troubles liés aux élections qui ont suivi ont créé une incertitude politique et la perspective de nouvelles élections dans les mois à venir.
  • En Russie, le président Vladimir Poutine a été contraint de reporter un vote national sur les amendements constitutionnels prévus pour avril, au moment même où les groupes d'opposition prévoyaient des manifestations pour s'opposer aux changements. Le vote qui a finalement eu lieu le 1er juillet s'est déroulé selon des méthodes de vote alternatives introduites spécifiquement en raison de la COVID-19. Ces méthodes pourraient également être déployées lors des élections législatives de 2021, bien qu'elles aient été critiquées par des observateurs indépendants comme étant propices à la fraude, ce qui laisse présager de nouvelles protestations.