ANA : « Le marché du transport aérien entre la France et le Japon retrouve de bons niveaux »

310

Si pendant quelques mois la crise traversée par Japan Airlines a attiré tous les regards des spécialistes européens de l'aérien, elle a fait oublier que malgré les difficultés économiques que rencontrait le Japon, ANA, aujourd'hui première compagnie du pays, s'est engagée de toutes ses forces dans la bataille économique pour maintenir ses parts de marché et stabiliser son trafic entre Paris et le Japon. A l'instar de toutes les grandes compagnies mondiales, la sortie de crise est désormais engagée pour ANA qui constate une réelle reprise économique avec un retour des passagers en classe affaires et un taux d'occupation élevée en Premium et en classe éco. Cette reprise, encore plus sensible en Asie, explique sans doute la volonté de la compagnie nippone de poursuivre son développement sur le marché français en privilégiant ses deux clientèles traditionnelles : le tourisme et l'affaire. Pour Ruichi IIDA, Vice Président et Général Manager France et Benelux, accompagné de Pascal Cousseau, Directeur des ventes, les ambitions ne manquent pas.


Déplacement Pros : comment avez-vous vécu la crise économique ?

Pascal Cousseau : Si 2009 était une année particulièrement difficile, nous avons constaté entre janvier et août 2010 qu'une très nette reprise était engagée avec une progression constante du nombre de passagers. Le retour des classes "avant" et une bonne stabilité des prix nous ont permis de retrouver, économiquement, des niveaux proches de ceux que nous avions en 2008. D'autant que, pour une compagnie comme la nôtre, sur un marché japonais très attaché à la France, nous avons deux types de clientèle : celle de la classe économique qui cherche un bon rapport qualité/prix/confort et celle, plus business, qui a besoin de voyager dans d'excellentes conditions entre Paris et Tokyo avant des rendez-vous d'affaires. Avant la crise, ces deux clientèles s'équilibraient : 50/50. Pendant la crise, la part tourisme est montée à 65 % et celle des affaires redescendue à 35. L'un de nos objectifs 2010 est de revenir à l'équilibre que nous avions, avec une remontée sensible du taux d'occupation de la business classe.

Déplacements Pros: Comment avez-vous travaillé cette sortie de crise ?

Pascal Cousseau : Nous avons toujours eu une excellente répartition des clients entre le marché japonais, les agences français et Internet. Les agences représentent d'ailleurs 60 % du revenu français et Corporate. Nous avons constaté que les demandes en matière de Best Buy, plus sensibles sur les classes éco que sur les classes affaires, s'adaptaient parfaitement à notre produit car nous proposions une réelle capacité et une constante tarifaire. Nous avons aujourd'hui une quarantaine de contrats Corporate en France, avec les mêmes difficultés que rencontrent d'autres compagnies étrangères : les voyageurs critiquent leur compagnie "nationale" mais sont les premiers à la choisir pour améliorer leurs miles et emmener leur famille en vacances. Parallèlement, notre politique tarifaire, qui ne consiste pas à brader le prix, se révèle très attractive sur les classes avant et rend compétitif l'utilisation d'ANA.

Déplacements Pros : Pourquoi ne pas avoir fait le choix de l' A 380 ?

Ryuichi Iida : Je ne dirais pas que nous n'avons pas fait le choix de cet appareil. Nous avons fait, à ce jour, d'autres choix en matière d'équipement. Comme vous le savez, nous recevrons au premier trimestre 2011 le premier Dreamliner. C'est un appareil qui correspond plus à nos besoins en fonction des lignes sur lesquelles nous souhaitons l'utiliser. L' A 380 est incontestablement un bel avion, à condition d'en avoir l'utilité et d'être certain de pouvoir le rentabiliser. ANA a toujours été une compagnie privée très attachée à la diminution des coûts et à l'équilibre financier. Tout cela est donc naturellement à l'étude. Je pense que toutes les compagnies font la même chose. Nous venons de repenser nos équipements à bord des 777 que nous avons reçus. Si vous regardez la classe avant, elle a été profondément transformée pour s'adapter aux attentes de nos voyageurs. Nous avons appelé ces modifications « Inspiration of Japan". Que ce soit la gastronomie, les distractions à bord, l'implantation en quinconce de nos sièges, l'intégration de toilettes japonaises dans nos appareils tout a été repensé. L'ensemble des services apportés par notre personnel de bord a été amélioré, retravaillé. Ce sont des points très attendus par nos voyageurs.

Déplacements Pros : Où en êtes-vous de votre deuxième fréquence parisienne ?

Ryuichi Iida : Ce n'est pas d'actualité pour le moment. Bien sûr, tout directeur de compagnie aérienne voudrait avoir de la capacité supplémentaire au départ de Paris. Mais obtenir une nouvelle fréquence, cela voudrait dire augmenter le nombre des rotations entre Paris et le Japon. Ce n'est pas aujourd'hui une demande formelle de notre part. Je dirais que nous sommes en phase de réflexion. L'arrivée des 787 devrait nous permettre de réétudier ce besoin mais cela ne veut pas dire pour autant que nous le ferons. D'autant que nous sommes en plein développement de routes complémentaires au départ du Japon et que nous regardons le développement de notre compagnie dans d'autres pays européens. ANA a acquis de la maturité en vingt ans de présence française. Nous sommes désormais sensibilisés aux effets d'une crise et notre travail consiste à optimiser nos recettes et nos offres commerciales. 2010 va marquer le retour de la compagnie à la rentabilité. C'est une première étape importante

Déplacements Pros : Que pensez-vous aujourd'hui du dégroupage tarifaire annoncé par les grandes compagnies américaines ?

Pascal Cousseau : Nous avons toujours considéré chez ANA qu'il y avait une base minimum de services que nous nous devions de rendre à nos clients. Cela fait parti de la culture japonaise et du sens de l'accueil. On peut bien sûr imaginer, et nous le faisons déjà pour les plateaux repas, que des améliorations soient apportées et qu'elles soit facturées aux clients qui le souhaitent. Mais je crois que tout cela dépend pour beaucoup de la stratégie de la compagnie. Je ne pense pas aujourd'hui qu'ANA s'engage sur les voies d'une commercialisation de services à outrance.

Déplacements Pros : Quelle est votre vision sur les interrogations qui se posent aujourd'hui autour de contrats Corporate ?

Pascal Cousseau : Nous avons toujours cherché à offrir à nos clients Corporate des outils qui leur permettent de disposer d'un tarif référent et d'une offre explicite pour leurs voyageurs d'affaires. Nous avons une grande transparence avec eux et nous pensons que ce type de contrat est un réel apport pour une maîtrise de la disponibilité, des capacités et de ses budgets. Un contrat Corporate chez ANA débute à partir d'une quinzaine de vols "business" entre Paris et Tokyo, ce qui représente chez nous un chiffre d'affaires d'environ 50 000 €. Cela permet également à l'entreprise d'intégrer dans son SBT les tarifs négociées et d'imposer l'utilisation d'ANA pour les déplacements professionnels entre la France et le Japon.

Déplacements Pros : Dans la bataille de l'aviation durable, comment situez-vous votre entreprise ?

Ryuichi Iida : Nous n'avons pas attendu 2010 pour nous engager dans le développement durable. Depuis 10 ans nous avons développé des actions qui visent à limiter nos émissions de CO2 et nous avons mis en place un ensemble d'opérations spécifiques de compensation comme le reboisement, le travail sur la sauvegarde du corail ou des missions d'information dans les écoles. Nous avons, entre autres, développé une flotte électrique dans nos aéroports. Nous nous sommes toujours attachés à travailler cette approche écologique comme si elle était essentielle à notre développement. Et je crois sincèrement qu'elle l'est.

Déplacements Pros : On parle beaucoup d'Haneda depuis quelques semaines, comment êtes-vous positionnés sur ce nouvel aéroport ?

Ryuichi Iida : Nous n'avons pas découvert Haneda ces dernières semaines. Nous sommes déjà des acteurs importants de ce nouvel aéroport et nous proposons des correspondances vers l'ensemble des pays du Pacifique. C'est un aéroport intéressant pour sa proximité avec la ville de Tokyo, la capacité de ses infrastructures et son évident modernisme. Avec Star Alliance dont nous sommes membres, nous proposons de très nombreuses correspondances au départ d'Haneda que ce soit avec ANA ou d'autres compagnies membres de l'alliance.