AOM is back !

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Il est curieux de voir comment l’histoire peut se répéter, et avec les mêmes acteurs. C’est au moins vrai du transport aérien français. En dépit de la politique constante de la DGAC qui a toujours soutenu, contre vents et marées, la compagnie nationale, les transporteurs que l’on pourrait appeler «complémentaires» finissent par survivre.

Oh, bien sûr, on ne leur facilite pas la tâche. Déjà, dans le passé, Marc Rochet, entré en conflit frontal avec Aéroports de Paris et Air France au sujet du renvoi des opérations d’AOM d’Orly Ouest à Orly Sud, alors beaucoup moins performant, avait été amené à laisser sa place de PDG à Alexandre Couvelaire, lequel a mené la compagnie au désastre alors que les efforts constants de Marc Rochet étaient en train de porter leurs fruits et qu’AOM finissait par gagner de l’argent.

Les contraintes opérationnelles continuent encore à peser sur les transporteurs basés à Orly car, à l’encontre de toute logique, de toute équité et du respect de l’environnement, cette plateforme continue à être gérée par des quotas de mouvements bloqués à 250.000 et non pas comme Charles de Gaulle, par des quotas de bruit. Ceux-ci ont l’immense mérite de préserver les riverains de l’augmentation des nuisances sonores. Oui, mais si cette mesure de bon sens était adoptée, cela ne ferait probablement pas les affaires d’Air France dont la flotte est vieillissante et par conséquent, plus bruyante que ses concurrents potentiels.

Bref, en dépit de toutes ces difficultés, la France possède au moins 3 compagnies «long-courrier» : Air Caraïbes, Corsair International et XL Airways. Rendons hommage aux dirigeants de ces transporteurs de les porter à bout de bras alors qu’ils se débattent dans les pires difficultés.
Notons au passage qu’il n’existe plus de compagnies charters. Ce modèle a disparu avec la libéralisation des droits de trafic et le développement des GDS. Pascal de Izaguirre a réussi la transformation de Corsair alors essentiellement organisée sur le modèle charter, en compagnie complètement régulière. Mais son actionnaire, le groupe TUI, s’est lassé de devoir recapitaliser la compagnie et il a décidé de la céder.

Plusieurs prétendants se sont fait connaître, y compris British Airways qui a toujours eu des vues sur le marché français. Mais c’est finalement le groupe Dubreuil qui l’a emporté en récupérant un transporteur plus gros qu’Air Caraïbes dont il est propriétaire. La force de ce groupe est le bon sens qui veut que l’on confie les rênes aux dirigeants les plus compétents, lesquels sont priés de ne pas perdre de l’argent, mais d’en gagner. C’est ce qu’a fait Marc Rochet à la tête d’Air Caraïbes. Le dernier bilan connu, celui de 2013, fait apparaître un profit net de 8,8 millions d’€ pour un chiffre d’affaires de 353 millions d’€. Pas si mal dans un environnement où tous les autres concurrents perdent de l’argent.

Et c’est bien l’idée de Jean Paul Dubreuil. En rapprochant Corsair International et Air Caraïbes, avec toujours Marc Rochet aux manettes, il parie sur la continuité du profit. Cela ne sera pas facile : Corsair International est plus gros d’Air Caraïbes 583 millions d’€ de chiffre d’affaires soit 65% de plus, des lignes vont doublonner, en particulier les deux plus importantes d’Air Caraïbes : Paris Fort de France et Pointe à Pitre, et les cultures des deux compagnies sont très différentes. La fusion ne se fera certainement pas sans conflits sociaux.
Mais en échange il y a des points très positifs dans ce mariage. D’abord Corsair International sera recapitalisée à hauteur de 17 millions d’€ si j’ai bien lu. Ensuite, cela élimine un concurrent sur l’axe principal et cela permettra au nouveau groupe de dicter sa loi sur les Antilles. Enfin l’ensemble, même délesté des Boeing 747-400 de Corsair vieillissants et trop gros, détiendra une flotte non négligeable surtout si elle est appliquée sur un nombre limité de destinations : 3 ATR – 3 A 330-200 et 6 A 330-300. Qui plus est, elle est très homogène et elle évoluera vers une  flotte de 6 A 350 : 3 A350-900 et 3 A350-1000 qui pourront emporter plus de 400 passagers chacun.

Enfin, Marc Rochet et son équipe rapprochée connaissent parfaitement tout le réseau à absorber. C’est justement une partie de celui qu’ils géraient déjà du temps d’AOM.

Dans le fond, Marc Rochet doit savourer ce moment, même s’il vient un peu tard pour lui. Certaines opportunités ont été manquées : on lui a enlevé AOM pour des raisons uniquement politiques et pour les mêmes raisons, on l’a empêché de reprendre Air Liberté pour la confier à un fossoyeur avec la complicité agissante du Ministre des Transports de l’époque, Jean Claude Gayssot.

Je lui souhaite bonne chance et je fais le pari de sa réussite si les politiques ne lui mettent pas trop de bâtons dans les roues.

Jean-Louis BAROUX