Comment mesurer la fatigue des voyageurs d’affaires?

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Acheteurs/travel managers : pouvez-vous affirmer sans nul doute que vous avez une vision à 360° des coûts liés aux déplacements professionnels et de l’impact de votre politique voyage sur vos collaborateurs ? Il semble que nous connaissons tous la réponse. De nouvelles méthodologies et les progrès technologiques permettent aujourd’hui de capturer des données jusque-là intangibles pour mieux piloter les politiques voyage. Entretien avec Scott Gillespie, CEO de tClara LCC, extrait du Mook for Business Travel réalisé en collaboration avec Aurélie Krau, associée Festive Road.


Pouvez-vous expliquer ce qu’est la métrique Trip Friction(R)

Scott Gillespie : Trip Friction(R), qui est une marque déposée par la société tClara LLC, est également la méthodologie mise au point par cette entreprise pour mesurer les frictions des voyageurs. Ces dernières correspondent à l'usure et la fatigue accumulées suite à de nombreux voyages. La friction est causée par des éléments comme des vols très matinaux et très tardifs, des déplacements empiétant sur les week-ends -moments que l’on préfère passer en famille, par l'anxiété et le stress supplémentaires liés aux vols retardés ou annulés, au sommeil de mauvaise qualité, à la perte de productivité et à moins de discipline autour de son régime alimentaire et de ses habitudes d'exercice physique lorsque l’on est en déplacement.

Toutes ces causes de friction s'additionnent avec le temps. Ma société a conçu une matrice permettant d’une part d’identifier les "guerriers de la route" au sein des entreprises et, d’autre part, de leur attribuer un score ‘Trip Friction (R)’ en fonction des frictions subies.

Quels sont les leviers d’actions des travel managers et acheteurs ?

Scott Gillespie : Les programmes voyage sont extrêmement centrés sur les coûts. La question centrale de ces vingt dernières années porte sur la manière dont une politique voyage peut générer des économies. Toute la démarche des entreprises est axée sur le sourcing et l’obtention de réductions auprès des fournisseurs mais pas sur la qualité d’un voyage. Or, la question centrale de ces dix prochaines années devrait être : comment la politique voyage impacte-t-elle la valeur ajoutée de l’entreprise ?
Les entreprises devraient recadrer la proposition de valeur de leurs politiques voyage. Trop de frictions liées aux voyages peut causer une attrition plus élevée chez les employés identifiés comme "guerriers de la route". C'est la principale raison pour laquelle les classes dirigeantes devraient se pencher particulièrement sur les frictions des voyageurs. Un déplacement à haute friction est généralement moins coûteux.

Cela se traduit par une politique voyage qui impose aux collaborateurs de voyager en classe Economie au lieu de la classe Business, de prendre une connexion supplémentaire sur son vol, de séjourner dans un hôtel de confort inférieur... Toutes ces composantes font économiser de l'argent à l’entreprise mais augmentent à long terme la probabilité que le collaborateur quitte l’entreprise pour préférer un employeur proposant une meilleure politique voyage.

Des politiques voyages centrées sur les voyageurs, plutôt que sur les coûts, augmenteront le taux de collaborateurs satisfaits et de la productivité. Cela peut notamment se manifester par l’introduction de congés payés, du télétravail ou encore par des semaines sans déplacement, et surtout sur des déplacements qui se justifient davantage pour une meilleure efficacité.

Pourquoi s’intéresser aux “Road Warriors” ?

Scott Gillespie : Ce sont les collaborateurs qui voyagent au moins 35 fois par an. Ils représentent environ 10% de l’ensemble des voyageurs d’affaires de l’entreprise, pèsent environ 50 % de l’ensemble du budget voyage de l’entreprise et génèrent approximativement 80%* de l’ensemble de la valeur ajoutée liée aux déplacements professionnels. La valeur ajoutée est le bénéfice d'exploitation généré par les employés pour leur entreprise**.

D’autre part, les enjeux RH ne sont pas négligeables : comparés aux programmes voyage centrés sur les voyageurs, les programmes centrés sur les coûts ont pour conséquence deux fois plus de frictions***. En effet, 84% des ‘"road warriors" déclarent qu’ils seraient très intéressés par une offre d’emploi d’une autre société si sa politique voyage était meilleure de manière significative et ils sont 83% à affirmer que la nouvelle politique voyage de leur entreprise est tout aussi importante -si ce n’est plus- que de nouvelles responsabilités et/ou une augmentation.

L'intégralité du Mook for Business est à télécharger ici.


* Source : TravelPrograms: Insights from U.S. Road Warriors, 2017
** Sources : ARC Data, tClara, *la valeur ajoutée est estimée par Scott Gillespie
*** Sources : Travel Programs - Insights From U.S. Road Warriors, tClara


Propos recueillis par Aurélie Krau.