Compagnies aériennes, une année 2013 en demi teinte

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Pas de pessimisme exagérée mais pas non plus d'optimise débridé : 2013 sera une année difficile en Europe pour le transport aérien. Si la crise est bien présente sur les marchés économiques, ce sont les réponses apportées par les entreprises qui inquiètent le plus les transporteurs aériens. La baisse annoncée des déplacements professionnels, combinée à une diminution des capacités offertes par les transporteurs, peuvent avoir deux conséquences indirectes : la hausse des tarifs ou une saturation des lignes vers les pays en plein développement économique comme la Chine ou l'Inde.

Compagnies aériennes, une année 2013 en demi teinte
"Il faut s'attendre à une diminution des capacités aériennes en 2013", constate Jean-Pierre Sauvage, le patron du BAR France (Board of Airlines Représentatives) qui rappelle qu'économiquement, le transport aérien dans le monde pèse le PIB de la France à savoir 2 200 milliards d'euros. Ce sont plus de 55 millions d'emplois, dont 700 000 en France hors construction aérienne. A l'occasion de son Assemblée générale qui s'est tenue le 22 janvier dernier à Paris, l'Association qui regroupe 81 compagnies aériennes françaises et étrangères, a rappelé quelques fondamentaux : le coût des redevances aéroportuaires, le poids de la législation européenne en matière de force majeure et la législation renforcée des droits de voyageurs imposent au transport aérien des charges que ne connaissent aucun transporteur terrestre ou maritime. "La spécificité du transport aérien est de générer beaucoup d'argent mais au final, de ne conserver que de très faibles marges, ce qui conduit les compagnies mondiales à engager des plans drastiques d'économies", souligne Jean-Pierre Sauvage. Une situation dangereuse pour l'équilibre économique.

Un optimisme mesuré

Dans ce contexte difficile, toutes les compagnies ne sont pas logées à la même enseigne. "Nous venons de publier aux États-Unis, il y a quelques jours, d'excellents résultats pour la compagnie. Nous sommes confiants pour 2013", reconnait ainsi Béatrice de Rotalier qui dirige les intérêts de Delta Airlines en France. "Il est clair que nous devons nous adapter au marché et aux attentes de nos clients", précise t-elle, en détaillant les adaptations 2013 : "Nous allons bien évidemment développer nos hub européens, Paris, Amsterdam et Rome qui vont représenter 50 % des vols de Delta vers les États-Unis. Nous allons également nous attacher à équilibrer nos marchés car si nous avons une meilleure rentabilité à Amsterdam, nous avons une demande plus importante en France. Il nous faut donc veiller à équilibrer tout cela. Et pour ce faire, nous allons augmenter notre capacité à Charles De Gaulle, optimiser la qualité de notre service à bord avec l'arrivée de nos nouveaux sièges business".
Même son de cloche positif du côté des compagnies asiatiques où les liaisons vers Singapour ou Hong Kong reste très demandées par la clientèle affaires. "Nous constatons un attentisme du côté du loisir qui a tendance à se décider au dernier moment", remarque Franklin Auber, en charge de la communication de Singapore Airlines en France, "Pourtant les demandes vers l'Asie sont fortes. Prenons l'exemple de la Birmanie, qui a vu une hausse de notre clientèle française d'environ 25%, malgré la pénurie du marché hôtelier Birman.Par ailleurs de grandes entreprises françaises se sont développées à Singapour, ce qui nous permet de constater une augmentation de la fréquentation sur nos lignes". L'Asie point de mire du business ? Tout le monde l'annonce. Le développement de Malaysian ou Korean Airlines est révélateur. Créer dans de grandes capitales asiatiques des hubs parfaitement ouverts sur les vols régionaux est devenu l'objectif avoué de quelques grandes compagnies. "Il suffit de regarder ce qui se passe à Singapour avec l'Aéroport de Changi, souligne Franklin Auber : "En 2013, l'aéroport de Singapour devrait connaitre une hausse de 8 à 10 % de son trafic avec plus de 50 millions de voyageurs. Dans cinq ans, il y a aura un nouveau terminal low cost à Singapour car la demande et le développement de ce type de compagnies est en forte hausse. Il est clair que c'est un constat qui conduit naturellement à mesurer les résultats des compagnies aériennes".

Une Europe en demi teinte

Si l'on peut croire que la hausse du trafic concerne tous les continents, la réalité européenne est plus en demie teinte. "Il y a trop d'opérateurs sur un marché important mais qui n'a pas la croissance économique des autres continents", explique - sous couvert d'anonymat - un cadre d'Air France. "Regardez les Etats-Unis, où l'on parle d'une fusion American Airlines/US Airways. C'est frappant de voir que la consolidation engagée il y a quelques années a permis au final aux compagnies comme Delta d'annoncer d'excellents résultats financiers pour 2012". Une idée exprimée fréquemment par notre chroniqueur Jean-Louis Baroux qui dit souvent en plaisantant qu'il est "plus difficile d'ouvrir un restaurant que de lancer une compagnie aérienne. L'avion fait rêver et les banques sont souvent prêtes à suivre". Il reste que ces analyses doivent désormais se faire à l'aune du low cost. Le court et le moyen courrier sont devenus des enjeux économiques loin d'être anecdotiques. L'offre Mini d'Air France et le lancement le 28 janvier du Pôle Régional France vont marquer le regain de combativité entre les compagnies régulières et les challengers. Il reste à juger de l'efficacité. "Nous demandons à nos clients de régler nos problèmes", remarque notre spécialiste d'Air France, "En fait, nous leur disons que nous allons nous améliorer mais sans le leur démontrer clairement et efficacement. Là, je pense qu'Alexandre de Juniac a mis le doigts sur ce qui nous pénalise depuis des années. Mais il faudra le faire passer au personnel et aux clients. Nous n'avons jamais été très bon sur la communication directe". L'Europe malade de ses coûts, voilà bien une mauvaise nouvelle pour les acheteurs qui ne veulent pas passer par les fourches caudines d'une ou deux low cost pour le court courrier. "Nous achetons du Ryanair comme du Easyjet", souligne Yann le Goff de Sidel, "Mais nous voulons aussi que l'offre soit multiple, faute de quoi nous serions pieds et poings liés aux seuls diktats d'une ou deux compagnies".

Et du côté des prix ?

Comme l'écrivait il ya peu Scott Gillespie, véritable gourou du voyage d'affaires, "Ce n'est pas aux compagnies aériennes de faire les prix mais aux acheteurs de trouver le meilleur tarif". Lapalissade ? Pas vraiment car là est tout l'enjeu du transport aérien. "Mieux acheter, c'est avant tout mieux s'organiser pour trouver à un instant T le ou les billets pour la destination attendue", souligne Scott qui insiste sur le fait que "Déclasser les voyageurs pour faire des économies, ce n'est pas démontrer un savoir faire mais choisir la facilité avant tout". Une critique sèche mais l'analyste a des réponses : "Adapter le voyage d'affaires aux aléas économiques, c'est accepter l'anticipation, la réflexion sur le bien-fondé du déplacement et assumer une meilleure gestion quotidienne de la contrainte", et il iniste sur le fait que, selon lui, "Moins de 20 % des voyages aux USA méritent l'instantanéité qu'on leur accorde".

Porté par une croissance naturelle et à en croire les études, le transport aérien devrait augmenter de 2 à 4 % cette année, et le prix des billets suivre la même courbe. Mais pas pour tout le monde. Comme le rappelait récemment dans nos colonnes Pierre Blondeau, le Directeur des achats hors production de Limagrain, "Le constat que je fais, c'est que globalement nous voyageons plus à budget identique, sans avoir forcément réduit le confort de voyage des salariés. Sans doute parce que nous achetons mieux !". La boucle est bouclée.

Marcel Lévy,
avec Hélène Retout.