EasyJet, la vraie «succes story» européenne

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Qui disait que l’on ne pouvait pas gagner de l’argent dans le transport aérien, en tous cas pas assez pour rémunérer le capital ? Qui annonçait que les «low costs» ne pouvaient pas survivre en Europe compte tenu des contraintes géographiques et de la présence omnipotente des transporteurs historiques ? Qui pronostiquait que l’on ne pouvait pas faire vivre un transporteur à bas coûts sauf à aller dans les aéroports secondaires ?

EasyJet, la vraie «succes story» européenne
Je n’aurai pas la cruauté de rappeler les tenants de ces affirmations. Mais l’histoire d’EasyJet démontre tout le contraire. Oh, certes, il n’a pas été facile à la compagnie de s’implanter. Les gouvernements se sont acharnés à lui mettre les bâtons dans les roues en ne lui accordant pas les droits de trafic, à commencer par la Suisse. Mais le modèle, copie conforme du modèle américain Southwest, s’est finalement imposé en Europe sous la pression des consommateurs qui sont aussi, faut-il le rappeler, des électeurs...

En fait il avait toutes les chances de réussite à la condition de mener la compagnie avec une stratégie affirmée et une détermination sans faille. Stelios Ioannou le créateur avait bien identifié les problèmes que les compagnies historiques européennes auraient inévitablement à affronter. Elles n’étaient tout simplement plus en phase avec leur marché et totalement inadaptées à la conquête de couches supplémentaires de clients qui ne pouvaient pas payer les tarifs alors pratiqués.

Et la mayonnaise a pris. D’abord par la mise sur le marché de tarifs peu onéreux en aller-simple alors que les compagnies traditionnelles mettaient des obstacles sophistiqués pour accéder à des réductions. Ensuite par l’utilisation d’un seul type d’appareil ce qui avait de multiples avantages quant au prix de revient et à la souplesse d’exploitation.

Enfin, la compagnie a réussi au cours des 3 dernières années à améliorer significativement son produit en introduisant l’attribution des sièges et une plus grande souplesse dans l’utilisation des billets. Ce faisant, elle a acquis une part importante de clientèle affaires (NDLR, EasyJet revendique de faire avec eux un peu plus de 20% de son chiffre d'affaires) ce qui a non seulement bien arrangé son résultat mais a eu le mérite supplémentaire d’affaiblir ses concurrents.

Et les résultats sont là. Depuis la mise en place d’une nouvelle politique résolument tournée vers la conquête de toutes les couches de clientèle, y compris les hommes d’affaires, le ratio du résultat net sur le chiffre d’affaires s’est envolé passant de 3% à 4% dans les années 2003 à 2009, avec il faut le dire une exception à plus de 8% en 2007, à un niveau proche de 7% au cours des trois dernières années. Et le résultat ne cesse de s’améliorer alors que le coefficient de remplissage est stagnant. Il faut dire qu’à plus de 87%, il est difficile de faire mieux.

Et tous les indicateurs sont au vert. Le niveau d’endettement est proche de 1 par rapport à la situation de cash (aux alentours de 900 millions de £ soit 1,062 milliards d’€), le résultat avant impôts est monté à 317 millions de £ soit 374 millions d’€ et les impôts sont raisonnables pour une société enregistrée à Jersey. Le taux de rendement du capital frôle les 15%. Que demander de mieux ?

Finalement, la compagnie a résolu l’équation que tout le monde recherche : gagner de l’argent dans un paysage extrêmement concurrentiel, sans pour autant rechercher les niches de marché, comme le pratique Ryanair. Le modèle d’EasyJet est ni plus ni moins du « low cost » traditionnel exercé sur les marchés principaux dans les aéroports majeurs. C’est d’ailleurs ce qui explique que le coût du siège offert soit relativement élevé : 63,37 € pour l’exercice 2012. Mais le chiffre d’affaires au siège est, lui, de 69,04 € dont 67,09 € sont obtenus par la recette transport et seulement 1,95 € pour les « ancillary products » Ce sont au fond, des chiffres très normaux.

La réussite d’EasyJet montre qu’une stratégie simplement raisonnable et une adaptation constante du produit aux attentes du marché peut donner des résultats très positifs dans un secteur d’activité considéré comme voué aux pertes.

Carolyn McCall est aux commandes depuis mars 2010. Elle a su infléchir la compagnie dans le bon sens, sentir le danger de voir partir une clientèle qui réclamait un produit plus sophistiqué. Les résultats sont la juste sanction de son management. Bravo !

Jean-Louis BAROUX