Indigne et incompréhensible

56

Alors ça y est ! Le SNPL, syndicat qui regroupe une forte majorité des pilotes français, a appelé ses adhérents à faire grève dès le 6 février, pour protester contre un vote démocratique des députés lequel vise à instaurer un service minimum dans le transport aérien. Les bras m’en tombent !

Indigne et incompréhensible
A quoi donc jouent les responsables de ce syndicat ? En quoi leur liberté est-elle mise en cause par l’obligation de se déclarer gréviste avec un préavis de 48 heures ? Cela porte-t-il atteinte au droit de grève ? Certes, cela peut en atténuer les effets car, alors, les compagnies concernées seront plus en mesure de s’organiser pour maintenir un programme de vol cohérent et, de plus, les vols programmés seront alors bien effectués.

Mais alors, si les pilotes (certes et heureusement pas tous) sont contre cette mesure, c’est bien non pas pour manifester un mécontentement, mais bien pour nuire, le mot n’est certes pas trop fort, à leurs clients. Et, pensent-ils, plus ils nuiront à leurs passagers et plus ils auront des chances de faire aboutir leurs revendications. C’est tout simplement indigne. Cela témoigne d’un mépris foncier pour ceux, qui justement paient leur salaire et pour lesquels ils devraient témoigner de la plus grande considération. Mais, finalement on est égoïste ou pas.

Et puis au fond qu’est-ce qui reste encore à réclamer pour une catégorie de personnel qui a tout obtenu au fil des années et des arrêts de travail à répétition ? Plus d’argent ? Moins de temps de travail ? Des plateaux repas plus sophistiqués ? De meilleures conditions hôtelières ? Et que sais-je ? Tout cela sera même difficile à formuler tant cette profession a été protégée. Alors peut-être s’agit-il simplement de défendre, par anticipation, des privilèges existants dont ils doivent bien se rendre compte de leur fragilité. Ces conditions de travail particulièrement avantageuses ont été acquises à une époque où la concurrence n’existait pas. Mais ce temps est révolu.

Alors, comme leurs collègues de l’ex Alitalia, peut-être pensent-ils que l’on peut à l’infini obtenir de nouveaux avantages, persuadés qu’ils sont que leur coût est indifférent au devenir de leur entreprise et qu’en dernier ressort, compte tenu de ce que représente leur compagnie, l’Etat leur viendra certainement en aide comme cela s’est passé au début des années 1990. Mais cette époque est terminée et les salariés d’Alitalia en ont fait l’amère expérience. Cela devrait tout même servir un peu de leçon.

Le transport aérien français est-il donc en si bonne santé pour qu’il puisse s’offrir de tels dérèglements ? N’y a-t-il donc pas d’alternative pour les passagers ? Le mal est fait, les clients anticipent maintenant d’éventuels arrêts d’exploitation même si ceux-ci ne sont pas programmés et ils prennent leurs précautions en achetant le service directement chez leurs concurrents. D’ores et déjà, le pavillon français ne représente plus que 38% du marché national. Le reste a été mangé par les concurrents. Et ces derniers ne vont certainement pas s’arrêter là.

Dernière conséquence, non contents de mettre en difficulté la pérennité de leur emploi, ce qui après tout est leur affaire, les pilotes jouent avec l’avenir de leur entreprise et fragilisent à l’évidence l’emploi des autres salariés. Après tout ils ne représentent qu’une petite minorité des salariés des compagnies aériennes et ils mettent ces derniers en grand danger. Je ne serais pas surpris de des tensions fortes s’installent à l’intérieur des sociétés concernées et que les personnels au sol ne manifestent pas sérieusement leur opposition à des gens qui sont dans l’ensemble mieux payés qu’eux et qui, par leurs pratiques mettent leur avenir en danger.

Ce conflit vient au plus mauvais moment non seulement pour Air France mais également pour les autres transporteurs français. Les résultats qui seront prochainement annoncés sont mauvais. Il est finalement incompréhensible que des personnes dont la fonction est d’être responsables de leur avion et dont l’une des grandes capacités est de maitriser l’anticipation, fassent preuve de si peu de ces deux qualités.

Pour tout dire, je suis affligé et je ne suis certainement pas le seul.

Jean-Louis Baroux
Fondateur d'APG