Le transport aérien en convalescence ?

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Comme tous les ans, le magazine Airline Business publie les résultats des principales compagnies aériennes, « legacy » ou « low cost ». 150 d’entre elles sont ainsi décortiquées. Et il est très intéressant de se pencher sur les chiffres.

Le transport aérien en convalescence ?
Il y a tout d’abord celles qui ne publient pas leurs résultats. C’est le cas de Qatar Airways, pourtant nommée « Airline of the Year » l’année dernière, mais également du Groupe Virgin, et de Saudia pour ne parler que des 50 premières compagnies en termes de chiffre d’affaires.

Il convient de saluer la performance du Lufthansa Group qui se maintient au premier rang en chiffre d’affaires et qui signe la deuxième place pour ce qui concerne son résultat net à 1,277 milliards de dollars, juste après Japan Airlines dont les comptes ne reflètent pas l’intégrale réalité car la compagnie est revenue de la liquidation une fois toutes ses dettes apurées. Bref, j’en connais beaucoup qui seraient envieux de ce profit. La situation de Lufthansa est d’autant plus remarquable qu’elle devrait subir pratiquement tous les défauts des transporteurs européens : poids des syndicats, marché en très faible expansion, en dépit de la bonne santé économique de l’Allemagne, réseau historique et donc vieillissant, pesanteurs du passé, complexité de l’organisation et j’en oublie certainement. Il n’y a donc pas de fatalité. Ce qui réussit chez le principal transporteur européen devrait pouvoir également faire le bonheur du deuxième : j’ai nommé Air France/KLM.

Autres constats intéressants : les 20 premières compagnies du monde dégagent un chiffre d’affaires de plus de 406 milliards de dollars soit 60% du volume global du transport aérien, le tout pour seulement 2,2% du nombre de compagnies. Par contre ces 20 géants ne génèrent ensemble que 3,078 milliards de dollars de profit, dont 5,100 milliards pour les seules Lufthansa, Delta, Japan Airlines (résultat exceptionnel) et l’inévitable Emirates. Au total, le profit cumulé des 20 plus importants transporteurs mondiaux ne représente que 0,76% de leur chiffre d’affaires. Comment dans ces conditions absorber les énormes quantités d’avions qu’ils ont commandés ? Cela fera certainement l’affaire des leaseurs.

Les regroupements de compagnies font dans l’ensemble de très mauvais résultats. Si l’on met à part le Groupe Lufthansa, force est de constater que la taille n’engendre pas la rentabilité. Ainsi Air France/KLM annonce une perte de 1,538 milliards de dollars, mais IAG le regroupement de British Airways et d’Iberia est lui aussi en perte nette de 1,191 milliards de dollars et le regroupement de Lan et de TAM ne fait pas des étincelles non plus avec une perte de 492 millions de dollars, pas plus que celui de United et Continental qui perd 723 millions de dollars. Preuve s’il en fallait que ce n’est pas en additionnant des pertes que l’on crée des profits.

L’analyse des compagnies du Golfe est également intéressante. Il faut se garder d’imaginer que toutes sont aussi florissantes que le leader de la région : Emirates. Les résultats des autres laissent un peu dubitatifs : Etihad génère un très faible profit à 42 millions de dollars, Oman Air affiche une perte de 254 millions de dollars soit 28% de son chiffre d’affaires, excusez du peu et la situation de Kuwait Airways est encore pire avec une perte de 450 millions de dollars soit… près de 54% de son chiffre d’affaires ! Si l’on excepte Qatar Airways dont les résultats ne sont pas connus, seuls les low costs tirent leur épingle du jeu avec 116 millions de dollars de profit pour Air Arabia et 41 millions de dollars pour Fly Dubai. La menace des transporteurs du Golfe est sans doute moins importante qu’il n’y parait à première vue. Actuellement seul Emirates possède vraiment les moyens de ses ambitions.

Il semble cependant que le transport aérien, dans son ensemble, est en train de revenir de son point bas et que les mesures de restructuration commencent à porter leurs fruits, comme on peut le constater aux Etats Unis où une compagnie comme Delta a réussi un rétablissement spectaculaire. Reste que sur les 50 premières compagnies, seules 8 d’entre elles affichent un ratio de rentabilité supérieur à 5% du chiffre d’affaires, nécessaire selon tous les experts pour renouveler la flotte des compagnies.

Les efforts de restructuration doivent être poursuivis. Ils seront douloureux car les temps où on faisait des économies sur le dos des passagers en diminuant la qualité du produit sont révolus. Au fond, et c’est très moral, la vertu paie.

Jean-Louis BAROUX