Les compagnies hybrides, intéressantes, non ?

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Les résultats de la compagnie espagnole Vueling sont intéressants. Après une période de lancement un peu difficile et un rapprochement avec son homologue ClickAir, le transporteur low cost a réussi son positionnement et il est profitable depuis lors. Certes le montant des bénéfices est encore modeste : pas loin de 50 millions d’euros, mais il devient significatif et il progresse au fur et à mesure de l’expansion de la compagnie.

Ainsi, Vueling rejoint EasyJet dans le peloton encore très clairsemé des compagnies low costs pérennes. En effet, à part ces deux transporteurs il n’existe pas en Europe, à ma connaissance, de transporteur low cost capable de dégager des résultats positifs tout en développant son réseau.

Ryanair n’a pas un modèle comparable, car la compagnie irlandaise fait une part importante de son chiffre d’affaires auprès des collectivités locales et aéroports. On a l’impression avec elle que les passagers ne sont pas importants et qu’ils ne viennent qu’en appui d’une stratégie de vente auprès des villes et des régions d’apport d’activité. Tout n’est pas d’ailleurs si rose pour le transporteur irlandais mené par le tonitruant Michael O’Leary, car même si les résultats financiers sont bons, voire même spectaculaires, la révolte des collectivités locales qui rechignent à payer les contributions demandées est en train de prendre de l’ampleur. Cette manifestation de mauvaise humeur est à suivre de près.

Mais, revenons à Vueling. Qu’est-ce qui différencie le produit de cette compagnie de ses concurrents « legacy carriers » européens, tout au moins sur leur réseau court courrier ? A vrai dire, très peu de choses. Prenons au hasard l’exemple du Paris Rome. Les aéroports desservis sont de même rang : Orly Fiumicino pour Vueling et Charles de Gaulle Fiumicino pour Air France/Alitalia. Les appareils sont identiques : gamme Airbus 320. Les sièges sont en cuir sur Vueling et ont été récemment rénovés sur Air France. L’une et l’autre compagnie attribuent leur siège à l’enregistrement. Par contre les prestations à bord sont payantes sur Vueling et gratuites sur Air France, mais reconnaissons que les grandes compagnies ne font aucun effort pour servir des prestations de qualité et qu’il vaut mieux investir 10 euros sur Vueling et avoir un bon produit que de recevoir les sandwichs bas de gamme d’Air France. En fait, Vueling fait du « low cost » de bonne qualité alors que Air France fait du traditionnel, bas de gamme.
Le résultat pour le client est à peu près identique, à la nette différence du prix. Un aller-retour dans la semaine sans réduction particulière coûte 1450 € sur Air France et 220 € sur Vueling. Disons, pour être indulgent, que cette différence de tarif est partiellement explicable par la plus grande flexibilité d’horaires d’Air France : 13 à 14 rotations contre 3 pour la compagnie espagnole.

Les responsables des grandes compagnies ne sont pas stupides et ils voient bien que la différence de produit ne justifie pas l’écart de prix. Ils ont fait un choix : celui de proposer des tarifs presque identiques aux low costs en prenant le risque de dégrader leur produit. C’est ainsi que l’on voir fleurir une gamme de tarifs incompréhensible pour les clients, mais que les mêmes responsables seraient eux aussi bien en peine d’expliquer. Bref, le concept low cost a gagné tout au moins sur le court courrier.

Mais, de leur côté, les transporteurs à bas coûts sont en train d’abandonner le concept d’un seul canal de distribution par Internet car ils se rendent bien compte que l’accès à certains marchés est très difficile si on ne dispose pas de la force de frappe publicitaire nécessaire.Or celle-ci ne se justifie que si l’on dispose d’une offre de sièges importante. Ainsi, pour toucher les marchés éloignés ou peu desservis, le canal des agents de voyages devient infiniment plus rentable. Encore faut-il disposer les outils de distribution nécessaires et avoir accès au BSPm seul vrai argument pour être vendu par le réseau de distribution.
La voie traditionnelle consiste à se faire référencer par les GDS, mais tous les systèmes d’inventaire des compagnies low cost ne sont pas capables de faire la liaison. Il existe également de nouveaux outils qui permettent d’envoyer une réservation faite par Internet sur un payement via le BSP. Ces systèmes intéressent de plus en plus les nouveaux transporteurs qui y voient un intérêt économique évident.

C’est ainsi qu’est né le concept les transporteurs « hybrides », construits sur la base low cost mais qui se distribuent également via les canaux traditionnels. Nul doute que ce phénomène ne se généralise dans les mois et les années à venir.

Encore faut-il maîtriser les outils de distribution< Nombre de responsables commerciaux de compagnies low cost n’ont aucune connaissance de ce qui fait la spécificité du transport aérien : un système de commercialisation mondial fait de procédures parfaitement rôdées et d’accords entre les transporteurs.

Il existe des procédures très sérieuses pour faire voler des avions et c’est tant mieux, mais il n’existe pas de manuels pour commercialiser les compagnies et c’est bien dommage.

Jean-Louis Bqroux