Notre Dame Des Landes où l’aéroport inutile

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Je ne suis certes pas un adepte des écologistes furieux qui, par exemple, bloquent le développement d’Orly sous des prétextes inconnus et n’ont pour seul argument que leur véhémence, ce dont ils usent à tout propos. Mais je ne peux pas ne pas m’interroger sur l’utilité de l’aéroport de Notre Dame des Landes dont ils se sont amplement emparés.

Notre Dame Des Landes où l’aéroport inutile
Si je ne m’abuse, les premières études relatives à ce projet datent du début des années 1960, à l’époque où la France était en plein renouveau de ses équipements, sérieusement malmenés pendant la deuxième guerre mondiale. L’une des grandes idées pour soutenir ce projet était d’en faire un aéroport de départ transatlantique pour le futur Concorde dont on oublie trop souvent que la genèse remonte à 1962. Les promoteurs de cet avion du futur avaient bien en tête qu’il serait un peu juste pour traverser l’Atlantique et que, de plus, il allait être particulièrement bruyant. De fait, les 4 moteurs Olympius lancés à pleine puissance faisaient largement plus de bruit que les Boeing 707 ou les Caravelle dont les décibels seraient maintenant totalement insupportables. Bref, un emplacement proche des côtes océaniques et capable de recevoir une très longue piste semblait être l’idée parfaite. Il faut dire qu’à l’époque des 30 « glorieuses », tout semblait possible, y compris les projets les moins économiques car la croissance palliait à tous les inconvénients.

Seulement les temps ont singulièrement changé. D’abord le rêve du Concorde s’est fracassé à Gonesse. L’appareil aurait d’ailleurs dû être interdit de vol depuis 1979, comme s’est plu à le rappeler la Présidente du Tribunal de Versailles en rendant son arrêt définitif sur le procès relatif à ce terrible accident. Et puis le transport aérien est passé d’un concept de luxe au grand public. Cela a commencé dès le début des années 1970 avec l’arrivée des Boeing 747. Enfin, nous avons progressivement pris conscience que notre planète était fragile et qu’il fallait la protéger. L’écologie a pris son envol, si l’on peut dire, et il n’est plus possible de concevoir un quelconque projet en matière aéronautique sans prendre cette variable en compte.

Alors pourquoi, dans ces conditions, s’acharner à construire un nouvel aéroport dans la région nantaise ? L’actuelle plateforme de Nantes Atlantique est-elle saturée ? Avec un trafic de l’ordre de 3,2 millions de passagers annuels et une seule piste, elle est très loin de prétendre à la congestion si l’on sait, par exemple, que l’aéroport de Londres Gatwick traite plus de 30 millions de passagers avec une seule piste également. On me dira que les approches de l’aéroport nantais actuel passent parfois au-dessus de l’agglomération. Mais cela n’est pas nouveau et les nuisances s’atténuent régulièrement car les appareils sont de moins en moins bruyants et de plus en plus gros. L’emport moyen de passagers a plus que doublé depuis les années 1970.

J’avoue ne pas comprendre l’acharnement de notre actuel Premier Ministre à réaliser un équipement qui pourrait ressembler furieusement à l’un de ces projets catastrophiques dont la France a parfois le secret. Je n’ai vu à ce jour aucune étude ni article sérieusement documenté à l’appui de cette nouvelle construction. Bien sûr, je ne suis pas dupe, une telle réalisation est certainement amplement supportée par les ingénieurs des Ponts et Chaussées qui dirigent les DDE. Leur but est d’aménager à toutes forces, même s’il n’y a plus rien à construire. A défaut de pouvoir créer de nouvelles autoroutes ou de nouvelles voies ferrées rapides, ils peuvent alors se reporter sur la construction d’un aéroport.

Reste l’aspect économique. Les chiffrages vont de 550 millions d’euros à … plus de 4 milliards d’euros, si on inclut les voies d’accès qu’il faudra bien faire de toutes façons. Sommes-nous à ce point dans une telle période de prospérité que nous puissions nous lancer dans de telles dépenses ? Et à partir de combien de passagers obtiendra-t-on la rentabilité de cet équipement ? Je n’ai rien vu de sérieux sur ce sujet.

Je lis également que cet aéroport évitera l’engorgement des plateformes de la région parisienne. A qui fera-t-on croire cela ? Si c’était vrai, l’aéroport de Lyon Satolas ne se trainerait pas aux alentours de 8,5 millions de passagers, c’est-à-dire 10% du trafic d’Orly et Charles de Gaulle, en dépit d’une desserte par TGV qui a coûté les yeux de la tête et qui s’est avérée peu efficace pour drainer du trafic sur cet aéroport.

Il est possible que l’agitation des écologistes amène le gouvernement à remettre le dossier sur la table et à réfléchir sérieusement à son utilité, laquelle devrait être incontestée, ce qui est loin d’être le cas. Si cela arrivait, alors je pense que, pour une fois, on pourrait remercier les fanatiques de l’environnement.

Jean-Louis BAROUX