Temps difficiles pour l’Afrique

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Guerre en Libye, changements de régimes plus ou moins pacifiques en Tunisie et en Egypte, désastre électoral en Côte d’Ivoire, voilà déjà suffisamment de raisons pour affecter le transport aérien africain. Ce n’est pas tout, aux évènements extérieurs se rajoutent des aspects purement internes aux compagnies. Hewa Bora pour le Congo ex Kinshasa, comme d’ailleurs tous les transporteurs de ce pays, et Air Madagascar ont été placés sur la liste noire des compagnies aériennes et par conséquent ne peuvent plus opérer vers l’Europe qui constitue leur principale source de revenu. Mais il y a plus. Gabon Airlines cherche depuis longtemps une solution viable pour son exploitation. Air Seychelles vient de séparer de son CEO sans pour autant avoir trouvé son remplaçant.

Temps difficiles pour l’Afrique
Bref, tout ne va pas bien dans ce continent pourtant en croissance forte en dépit de tous les avatars qu’il doit subir. Qui va tirer son épingle du jeu dans cette difficile partie ?

A priori, la situation est pain bénit pour les grands transporteurs européens. Air France/KLM, Swissair et Lufthansa en particulier se voient offrir un boulevard d’opportunités. Ce n’est dans le fond que justice. Ne nous y trompons pas, ces grandes compagnies jouissent d’une image de fiabilité, voire même de qualité de services amplement justifiées en comparaison des transporteurs d’Afrique Occidentale et Centrale. Le mal endémique dont souffrent la quasi-totalité des compagnies de l’Afrique francophone peut se résumer d’une manière très simple : absence de management cohérent dû à la mainmise des politiques sur le transport aérien. L’histoire n’apprend rien. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, laisser la gestion des compagnies aux gouvernements constitue la principale cause de l’échec patent de ce qui est pourtant un mode de transport essentiel sinon vital pour ce continent.

Le marché est là. Le prix moyen du coupon est l’un des plus élevés du monde. Les appareils sont disponibles aussi bien chez Boeing qu’Airbus ou ATR. L’utilité n’est jamais discutée car les infrastructures au sol sont défaillantes surtout sur les distances longues à parcourir. Il reste la question de la gestion. Tant que les politiques voudront se mêler des achats d’appareils, il sera bien certain que les flottes ne correspondront pas forcément aux besoins des compagnies. Tant que les gouvernements dicteront la stratégie de desserte, celle-ci sera faite non pas pour le bénéfice des populations mais uniquement pour celle des élites.

Et puis, il faut bien évoquer l’évaporation de l’argent au bénéfice de responsables politiques ou gouvernementaux. Tous les experts sont d’accord sur le fait que l’argent n’arrive pas forcément au bon endroit. C’est ainsi que l’on voit des compagnies aériennes très mal distribuées car l’utilisation massive du BSP ne correspond pas toujours aux intérêts personnels des dirigeants ou de leurs mandants.

Comment sortir de cette situation ? A vrai dire, je n’en sais trop rien. Je constate qu’année après année, la situation ne s’améliore guère. Aucune alliance durable n’a pu être faite entre transporteurs africains, ne serait-ce que pour se commercialiser et grouper les achats de matériel. Il est déplorable que les africains soient encore amenés à sous-traiter la gestion de leurs compagnies aux européens, sans que les sociétés choisies, Lufthansa Consulting ou autres, n’aient une quelconque réussite en dépit des honoraires considérables demandés … et pas toujours payés. Les africains doivent trouver à l’intérieur de leur continent les cadres nécessaires. Ceux-ci existent d’ailleurs en particulier dans les pays d’Afrique de l’Est et du Sud.

Car tout n’est pas désastreux. Les compagnies d’Afrique de l’Est tirent bien leur épingle du jeu. Ethiopian Airlines et Kenya Airways sont des transporteurs tout à fait honorables et de bonne taille internationale. South African Airways a entamé un formidable plan de redressement en ayant coupé une très grande partie de son réseau. Les transporteurs régionaux sont fiables. Or toutes ces compagnies sont gérées par des africains. Voilà des raisons d’espérer, encore faudrait-il que les gouvernements d’Afrique Occidentale trouvent et sélectionnent les bons responsables et qu’ils se désengagent de la gestion de ces compagnies. Après tout, il n’est pas certain que de grands groupes internationaux ne puissent pas être intéressés à la création de compagnies privées africaines à la conditions qu’elles bénéficient de manière durable des droits de trafic nécessaires et qu’il soit clair que les gouvernements n’interfèreront plus dans leurs affaires.

Vœux pieux ?

Jean-Louis Baroux