Aérien et environnement (3/3) : Tous responsables !

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Troisième et dernier volet de ce dossier consacré à l’impact environnemental de l’aviation commerciale. Entre les tenants d’une aviation « pas si pire que ça » et les partisans d’une réduction drastique des déplacements en avion, nous explorons une troisième voie, celle qui fait appel à la responsabilité de tous et de chacun, compagnies aériennes et voyageurs.

Devrons-nous attendre une nouvelle révolution industrielle pour espérer voler à bord d’avions respectueux de l’environnement ? Il est clair que les mutations technologiques à venir permettront d’envisager une aviation commerciale sans émission carbone. Mais en attendant, nous sommes tous responsables du CO2 émis par nos déplacements. Et nous avons les moyens de réduire notre empreinte carbone en adoptant de simples mesures de bon sens. Cela vaut pour les passagers comme pour les compagnies aériennes.

Pour commencer, passons en revue ce que les voyageurs peuvent faire concrètement. Xavier Tytelman, spécialiste de l’aéronautique chez CGI Business Consulting, préconise des mesures simples applicables par tout un chacun. «  Il faut penser à voler léger – aller aux toilettes avant le départ et éviter les bagages lourds-, favoriser les vols directs plutôt qu’avec escale car ils sont 50% plus polluants sur un même trajet et choisir les compagnies les plus écolos, il y a des classements mais personne ne les connait.« 

Le type d’avion a également une forte incidence. « Un passager sur un avion moderne type 320 Neo ou 737MAX consomme moins de 2 L au 100 km et on est autour de 2,7 litres aux 100 km sur les avion long-courrier type A350 ou B787. » Concrètement : il faut un calcul fiable et réel de la pollution des différents moyens de transports pour éviter que les voyageurs choisissent un moyen de transport plus polluant en croyant effectuer une démarche écologique. Faire un Paris Nice pour 3 personne est aujourd’hui moins polluant en avion qu’en voiture… et plus le trajet est long, plus l’avion est avantageux du point de vue carbone.  Xavier Tytelman illustre ce propos avec un exemple précis : « j’ai croisé des gens qui étaient allés jusqu’en Grèce en voiture pour des raisons d’écologie, je leur ai démontré qu’ils avaient plus pollué qu’en ayant pris l’avion.« 

Mais tout ne repose pas sur les épaules du passager qui, finalement, s’en remet à l’offre disponible, même s’il est animé des meilleures intentions environnementales. Peu d’améliorations seront possibles tant que la technologie n’évoluera pas. « Les prochains avions seront au moins hybrides (-50% d’émissions), voire électriques avec 100% d’émissions en moins » explique Xavier Tytelman ajoutant qu’il faut cependant  considérer le bilan complet, « une voiture électrique en Australie émet par exemple plus de CO2 qu’une voiture thermique tellement leur production d’électricité génère du carbone !« 

Il faut également tordre le cou aux fausses bonnes idées, ces lieux communs souvent entendus et qui ne reposent sur aucune vérité scientifique. Comme avec l’option ferroviaire supposée résoudre tous les problèmes. A ce propos, Xavier Tytelman tient à préciser que « construire des rails aujourd’hui émet plus de CO2 que de maintenir des lignes aériennes, surtout avec l’arrivée prochaine des avions à très faibles émissions. Il faut rentabiliser les lignes de train existantes mais ne surtout pas en construire de nouvelles. Il est plus pertinent de mettre le paquet sur l’écologie dans l’aviation.« 

Dans le même temps, il est indispensable de favoriser le développement des carburants alternatifs. Pour Xavier Tytelman, « c’est une révolution majeure qu’il faut encourager. Les bio carburants de deuxième génération reposent sur l’utilisation de déchets agricoles et n’entrent pas en concurrence avec le secteur de l’alimentation en utilisant des surfaces agricoles comme les bio carburants de première génération issus de la betterave ou du maïs. » Mais il y a un problème de taille, ces nouveaux carburants coûtent cher, même très cher. « Nous avons tout intérêt que cette recherche soit aidée plutôt que de financer de nouvelles infrastructures terrestres qui vont polluer davantage.« 

Il existe également toute une série de mesures applicables facilement, qui ajoutées l’une à l’autre peuvent avoir une incidence certaine sur la réduction de l’empreinte carbone de l’aviation commerciale. A commencer par le contrôle aérien qui pourrait permettre de réduire de 10% la consommation des avions volant en Europe. « Il suffirait d’améliorer les équipements de trafic pour limiter les détours ou les retards », de même, explique le spécialiste de l’aéronautique, « l’ordre d’allumage des moteurs doit être optimisé dans les tours de contrôle pour réduire le temps d’attente au sol avec les moteurs tournant. Des start up d’optimisation des opérations au sol existent mais sont trop peu répandues car ce n’est pas l’aéroport qui paye le pétrole gaspillé.« 

Les aéroports ont également un rôle important à jouer. « Ils devraient tous s’équiper en système de fourniture de la clim et de l’électricité depuis le sol, car quand ce n’est pas le cas l’avion doit utiliser un générateur interne qui tourne avec du carburant. » Il y a aussi un effort à fournir à propos du déplacement des avions au sol. « Ces mouvements devraient systématiquement être réalisés avec des petits tracteurs électriques jusqu’au seuil de piste. Aujourd’hui, les avions doivent utiliser leur moteur qui n’est absolument pas efficace pour rouler. »

Enfin, il est évident que l’on attend plus de la part des compagnies aériennes. Les transporteurs devraient s’appuyer sur de nouveaux partenaires, ainsi que l’explique Xavier Tytelman. « Ils devraient tous utiliser les start up incroyables comme SafetyLine et OpenAirlines. A partir des Big data, elles arrivent à réduire la consommation d’un avion de 5% et les compagnies qui les utilisent, comme Transavia, arrivent à se classer dans le top des compagnies les plus écologiques du monde sans même avoir les avions les plus récents et les plus efficaces. »

Pour compléter ce tour d’horizon qui ne peut être exhaustif, ajoutons qu’il serait judicieux d’alléger les avions. Chaque fois qu’on transporte 10 kilos à bord, on consomme 300 grammes de carburant et on émet 1 kilo de CO2 pour chaque heure de vol. Et pour justement réduire le poids embarqué, il faut accepter de ne plus avoir de magazine de bord, utiliser des couverts plus légers que ceux en métal, voire des couverts dégradables comme le fait notamment Air France. Un dernier point, mais il est essentiel, il serait temps d’imposer de vraies compensations carbone,à commencer par les vols en business, puis progressivement pour tous les passagers de tous les avions.