Surclassement (3/3) – Plans mytho

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Au mesure que les verres de scotch se descendent, la mythomanie de Georges-Etienne monte en flèche. Ses soi-disant "bons plans surclassement dans l'aérien" souffrent d'un vrai déficit de crédibilité.

« Il faut voyager à la bonne période » 

ALEATOIRE 

Georges-Etienne, le monde, il l’envisage dans toute sa complexité : « Plus il y a de voyageurs d’affaires, affirme-t-il avec emphase, moins il y a de places libres en Business ». Et de terrasser un auditoire pourtant rompu aux subtilités intellectuelles,  d’un foudroyant : « Donc faut choisir les bonnes périodes ». C’est vrai, les jeudis et vendredis soirs, la Business est bien garnie, elle l’est moins les veilles de jours fériés… Et cela peut avoir un effet – non garanti – sur le prix d’un surclassement. 

 « Il faut arriver au bon moment à l’enregistrement » 

TOTAL MYTHO

C’est étrange car alors que c’est lui qui boit du scotch, Georges-Etienne semble croire que c’est le discernement de son auditoire qui en est affecté. Car cette histoire de début, de fin ou de milieu d’enregistrement est à dormir debout (et en classe éco). La rengaine est bien connue : j’arrive en fin d’enregistrement, je fais mon plus beau sourire, il reste une place en classe sup et je l’obtiens ! En payant, oui, peut-être mais alors autant venir en début d’enregistrement pour ne pas la manquer… Quant à la gratuité, pas la peine d’y compter : la place en classe supérieure vacante est disponible à l’achat même à bord, jusqu’au départ de l’appareil, alors pourquoi risquer un tel manque à gagner en la vendant avant ? Autre version du « bon moment » : arriver en début d’enregistrement, prétexter une grossesse, un mal de dos ou une aviophobie aigüe (mais qui devient bénigne en Première), et obtenir avec les compliments du chef de cabine la place sup tant espérée. Rendons ici grâce au personnel de bord : une dent douloureuse ou un stress lié à la fin de vos vacances vous fera sans doute bénéficier de quelque gentille attention de la part du steward ou de l’hôtesse, oui, mais un surclassement à l’œil, non. 

« Je suis un gars simple » 

TRES DOUTEUX 

Georges-Etienne prononce cette phrase en ôtant ses chaussures et en déboutonnant son col de chemise. « Simple » comme la chambre d’un hôtel ; comprendre : à part à l’Île Maurice avec Chantal ou aux Bahamas avec Marie-Josée, Georges-Etienne voyage seul. « Simple » comme pas compliqué ; pour lui pas de menu vegan avec tofu hallal et vaisselle casher : on mange ce qu’il y a. En bref, par « simple », Georges-Etienne se décrit en voyageur idéal, aussi léger que l’air sur lequel s’exerce la portance des ailes de son Airbus. Bien sûr, c’est une évidence, un voyageur unique sans exigence particulière aura plus de chance d’obtenir un surclassement, mais puisque le surclassement est décidément une affaire d’argent, rien n’est rédhibitoire : il suffit de payer. 

« Il faut avoir la bonne attitude » 

TOTAL MYTHO

Décidément, Georges-Etienne est plein de ressource. La psychologie, notamment, est un domaine dans lequel il excelle. Il fut capable en de nombreuses occasions d’obtenir des surclassements à la seule force de sa persuasion qu’il module au gré des circonstances à l’adresse des personnels aériens. La culpabilisation : « Mon père est au plus mal et à cause de votre retard, je ne suis pas sûr etc ». L’apitoiement : « C’est la dernière fois que je vois ma femme et ça me colle un bourbon euh un bourdon etc »… Il y eut aussi la sympathie, la colère et, présentée tout sourire comme l’arme fatale, la séduction. Il ne lui fut pas donné le loisir de finir son scotch. Si on peut imaginer qu’une attitude antipathique ne peut servir sa quête du surclassement, il est vain de compter sur une telle légèreté du personnel. Un siège d’avion est, pour une compagnie aérienne, un objet de commerce, pas une fantaisie qu’on offre au détour d’une flatterie. 

 

A  l’image de l’Enfer, Georges-Etienne, c’est les autres. Et finalement, il faut l’espérer, personne. Pourtant, on peut, à l’occasion d’une conversation, s’entendre dire d’une personne digne d’une absolue confiance qu’elle bénéficia, un jour, d’un surclassement non facturé. C’est arrivé, par exemple, à l’auteur de cet article, il y a quelques années, sur le long-courrier d’une compagnie française, au prétexte que son compagnon de voyage était un (moyennement) haut-fonctionnaire… C’est peut-être ce genre de pratiques qui explique la discrétion des compagnies sur le surclassement gratuit, ce côté aléatoire ou au contraire discrétionnaire, dans tous les cas ressenti comme injuste. En tout cas, leur silence sur le sujet permet de l’imaginer. Restent les informations qui figurent sur les sites de ces mêmes compagnies, qui disent une chose : le surclassement est une offre commerciale qui peut s’avérer assez avantageuse, notamment pour les clients fidèles. 

 

Toute notre apéro avec Georges-Etienne :