Dr Philippe Guibert : « Les voyageurs d’affaires sont plus exposés aux situations de stress »

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Autrefois considérée comme un sujet tabou en entreprise, la santé mentale fait partie intégrante de la politique de bien-être et de santé en entreprise. Le Docteur Philippe Guibert, Directeur médical global chez International SOS, revient sur l’évolution de la prise en compte et en charge de la santé mentale dans le milieu professionnel et comment prévenir les troubles, notamment pour les voyageurs d’affaires. 

De quoi parle-t-on lorsque l’on parle de santé mentale ?

Selon la définition de l’OMS, la santé mentale est un, « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ». Une stabilité émotionnelle qui permet d’absorber, de faire face aux évènements qui peuvent avoir une influence négative sur notre santé mentale.

Pourquoi la santé mentale est-elle devenue un sujet important en entreprise, notamment depuis la crise du Covid-19 ?

Docteur Philippe Guibert, Directeur médical global chez International SOS

Il n’y a effectivement rien de nouveau mais le Covid-19 a été pour la santé mentale ce qu’a été le 11 septembre pour la sécurité. La crise sanitaire a mis en évidence ce sujet au sein des entreprises comme cela n’avait jamais été le cas auparavant. De nombreuses entreprises avaient déjà mis des choses en place, on ne partait donc pas de 0 mais la prise de conscience réelle s’est faite à ce moment-là. Chez certains, des actions ont été mises en place, renforcées chez d’autres…

Nous avons surtout assisté à une déstigmatisation et à la dédramatisation du sujet en entreprise. Pour beaucoup, la santé mentale était encore un sujet tabou. Il ne fallait pas parler de burn-out ou de dépression, alors qu’aujourd’hui nous n’avons plus, ou moins, de mal à reconnaître que des gens puissent souffrir à cause de leur santé mentale. Et cela au même titre qu’une maladie physique.

Les personnes en mobilité et les voyageurs d’affaires sont-ils particulièrement exposées à des éléments pouvant altérer leur santé mentale ?

Les voyageurs d’affaires ou les expatriés sont en effet davantage exposés à des situations de stress. Le voyage peut être une source de plaisir mais il est également possible que ce dernier devienne une source de stress importante. Décalage horaire, fatigue, choc des cultures, manque de la famille…Il faut s’assurer en tant qu’employeur que la balance penche du bon côté. Si le stress prend le dessus, le voyage peut devenir une véritable souffrance. L’employeur doit être en mesure de le reconnaître et d’aider le salarié si besoin.

Comment percevoir ce mal être chez un salarié ? Quels sont les signaux auxquels l’employeur doit porter attention ? Si le salarié ne fait rien remonter cela peut être compliqué de déceler un potentiel mal être, notamment à distance.

Tout l’enjeu est de libérer la parole. Cela commence par instaurer un climat de confiance. C’est au manager de le créer pour faciliter le dialogue et faire en sorte que le salarié se sente protégé. Le management doit avant tout reconnaître le mal-être de la personne et lui permettre d’en parler, de dire qu’on ne va pas bien, qu’on souhaite rentrer plus tôt ou que nous ne sommes tout simplement pas en état de voyager.

Aux managers de poser les bonnes questions : Comment vas-tu ? Quelle est ta charge de travail ? Es-tu disponible pour ce déplacement ? Et cela passe par la formation. Il faut être en mesure de reconnaître un salarié qui montre des signes de souffrance et lui demander si l’on peut faire quelque chose pour lui, en tant que manager/employeur. L’entreprise n’est pas là pour le prendre en charge mais pour ouvrir le dialogue et l’accompagner si besoin.

Au-delà de l’impact que cela peut avoir sur la personne, quel impact un salarié en situation de mal être psychologique peut-il avoir sur l’entreprise ?

Ce qui est très important d’avoir en tête est que l’environnement professionnel est tout aussi important que l’environnement personnel pour une personne en détresse. Il faut l’accompagner et l’aider au plus vite afin que cela ne devienne chronique et se termine en burn-out ou dépression. Cela impact par la suite l’entreprise, les managers, les autres salariés…Au quotidien, le salarié est souvent un salarié qui ne se sent pas reconnu, qui s’implique moins et qui est donc moins productif. Il y a encore beaucoup de travail à faire sur le sujet en entreprise.

> A lire aussi : International SOS développe une appli dédiée à la santé mentale des collaborateurs

Vous avez récemment lancé une application mobile dédiée à la santé mentale des salariés. Sa création émane -t-elle d’une demande de la part de vos clients ? De ce que vous avez pu observer sur le terrain ? Comment l’avez-vous pensée ? 

L’application est un complément dans la prise en charge du bien-être de la santé mentale du collaborateur. Cela passe par la formation et prévention. Lorsque les choses ne vont pas bien, au-delà de proposer une ligne d’écoute, les entreprises peuvent proposer un outil « self-help » donnant accès à des ressources qui permettent au salarié en difficulté de gérer ses petits problèmes, comme le sommeil, la fatigue ou évaluer son niveau de stress. On va lui proposer immédiatement de s’engager dans des programmes ou formations pour s’approprier le sujet, relativiser et apprendre…Et si besoin demander de l’aide. Cela reste un support et un complément à la prise en charge intégrée du salarié, pouvant aller jusqu’à une prise en charge immédiate par un professionnel de santé en cas d’urgence.