Le voyage d’affaires, “investissement sans risque”

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Le voyage d’affaires, “investissement sans risque”
Elyes Mrad (Certares, à gauche) et Jonathan Coll (IDI) lors de l'EVP d'Amex GBT.

L’une des tables rondes de l’EVP d’Amex GBT, qui s’est tenu le 6 avril, était consacrée à l’attrait du business travel auprès des investisseurs. Jonathan Coll (IDI) et Elyes Mrad sont d’accord : il s’agit d’un investissement sans risque.

On imaginait volontiers Certares tirant profit de la période pandémique pour entrer au capital d’entreprises défaillantes, il n’en fut, si l’on en croit Elyes Mrad, rien : "On a fait très peu de distress (du rachat de créances bancaires d’entreprises, ndr), mais beaucoup d’investissements dans des entreprises solides, en bonne santé malgré la crise, et qui cherchaient du capital de croissance, de rétention de parts de marché…"

Le groupe IDI, quant à lui, n’a pas pris de nouvelles participations dans le travel. CDS Groupe, dont il est un actionnaire minoritaire important (à hauteur de 15M€), reste donc sa seule participation dans le secteur, contrairement à Certares (groupe Marietton ou Amex GBT, notamment). L’un de ses associés, Jonathan Coll considère cependant que le voyage d’affaires est un "investissement sans risque, avec de belles opportunités", à l’instar, cette fois-ci, d’Elyes Mrad.

Pour ce dernier, le voyage d’affaires a de beaux jours devant lui, surtout, comme c’est de plus en plus le cas selon lui, s'il est considéré "non plus comme une dépense mais un profit center". Cette façon d’envisager le déplacement comme un investissement pour les entreprises, avec le calcul du retour qu’elles en attendent, "impulse une nouvelle dynamique."

Pour Jonathan Coll, "le business travel est une industrie très vaste avec des spécificités locales mais un marché mondial. C’est un terrain de jeu intéressant pour les investisseurs (...) Comme toute industrie évoluant très vite, il reste au cœur des préoccupations des entreprises." 

ESG, balbutiements

Volontiers pointé du doigt pour son empreinte carbone, le business travel rend les critères ESG (Environnement-Social-Gouvernance, une sorte de RSE mais à l’adresse de tiers extérieurs, ndr) prépondérants quand il s’agit d'y faire un investissement. Prépondérants mais en phase de fixation, selon Jonathan Coll : "On est encore au début d’une vague, tout le monde apprend mais on a tous un rôle à jouer." Y compris les investisseurs, donc.

Elyes Mrad précise les hésitations de ces balbutiements : "Les règles ESG ne sont pas fixes, elles sont même en pleine mutation, il n’y a pas de critères de reporting, il y a des variations d’une industrie à l'autre... Il y a donc des efforts à faire pour améliorer cela, aider les plus petites entreprises aussi. Et puis, faire attention à ce paradoxe : des règles ESG mal faites peuvent encourager le green washing."

Malgré les défauts de sa jeunesse, l’ESG est absolument nécessaire et Jonathan Coll déclare, à l’unisson d’Elyes Mrad : "Le monde change et les investisseurs doivent être moteur. Et effectivement, ça impacte notre façon d’investir - certains secteurs sont quasi prohibés désormais, les énergies fossiles notamment. Notre rôle est aussi d’accompagner les entreprises dans la transformation de leur business model vers une trajectoire de décarbonation mais aussi dans les domaines sociaux ou encore de la préservation de la biodiversité."

Et de renchérir : "L’ESG devient un sujet traité au niveau du board, du comex, et désormais on note tant les équipes d’investisseurs que le top management de nos participations dans ce domaine."

Elyes Mrad explique à propos de Certares : "On a nos propres règles au niveau des points ESG. Mais même en amont, les investisseurs qui mettent de l’argent dans nos fonds regardent si nous avons ces critères. Ce n’est pas parce qu’une entreprise n’a pas d’ESG qu’on n’investira pas - on l’accompagnera alors le développement du management - mais si elle est “anti-ESG”, on n’ira pas (...) Cependant, pour beaucoup d’entreprises clientes du BT, parler ESG ok, mais payer, c’est moins évident - dans le loisir et notamment le haut de gamme, les clients y sont plus prêts." 

Digital players

Les nouveaux entrants du business travel, pure players, intéressent-ils Certares et l’IDI ? "On les regarde car ils poussent les acteurs plus traditionnels à se remettre en cause. Mais la tech doit être au service de l’humain, pour des tâches à moindre valeur ajoutée. Il faut donc un point d'équilibre", explique Jonathan Coll.

Elyes Mrad estime que tous les acteurs du BT sont, finalement, des acteurs tech : "Aujourd’hui, GBT doit faire entre 70 et 80% de digital", rappelle-t-il. Et se dit "dubitatif sur les effets d’annonce. Il y a de très bonnes innovations. Celles-ci sont souvent très pointues sur un type de problématique qu’ils résolvent très bien : ce sont des niches qui peuvent être une porte d’entrée chez les clients… Après, les clients veulent du one-stop-shop donc pose le problème de l’intégration”.

Ce dernier ajoutera au sujet de la tech deux choses qui font montre d’un certain sens de la formule… A propos de l’innovation, il dira : "Pour ça, il ne faut pas aller dans la Silicon Valley, mais en Chine (où il vécut, ndr)". A propos du BT en particulier, il nuancera : “Mais ces technologies chinoises sont conçues pour un seul marché, une seule langue, un seul GDS. Il faut donc savoir en sortir."

Et concernant le fait que, dans la technologie disruptive, se pose aussi la question de la maturité des clients pour l'adopter, il dira : "Pour les compagnies aériennes legacy, si la tech est postérieure à 1980, ça peut poser problème." C’était une des autres informations intéressantes de cette table ronde EVP :  même les investisseurs peuvent avoir de l’humour.