La cour des grands du transport aérien

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Le transport aérien continue à croître de manière exponentielle tout au moins en volume. Un milliard de passagers supplémentaires entre 2000 et 2010, 1,5 milliards de plus entre 2010 et 2020 et 3 milliards attendus d’ici à 2030. Voilà de quoi aiguiser les appétits et voilà pourquoi on ne peut pas mesurer l’économie du secteur d’activité aux seuls résultats du pavillon français. Celui-ci n’est pas représentatif des chiffres mondiaux.

Deux compagnies, très différentes, s’inscrivent dans la croissance récente et attendue pour la prochaine décennie. Il s’agit de Delta Air Lines et de Qatar Airways. Commençons par cette dernière.

La puissance du Qatar

Qatar Airways est une compagnie récente. Elle a été créée en 1993 pour un début d’opérations le 20 janvier 1994. Dès le départ la compagnie est devenue le porte-drapeau de son pays, ce n’est pas étonnant puisqu’elle est détenue intégralement par l’Etat du Qatar. Celui-ci la soutient contre vents et marées ce qui lui a permis d’assurer une croissance fulgurante, sous la direction énergique de son Président Akbar Al Baker. Partie de rien il y a 25 ans, elle transporte maintenant plus de 30 millions de passagers avec une flotte de 222 appareils composée essentiellement de long-courriers. Cette croissance s’est faite au détriment de résultats économiques qui ne sont pas brillants. La compagnie a affiché une perte de 578 millions d’€ pour le dernier exercice 2018/2019 laquelle suivait un déficit de 662 millions d’€ en 2017/2018. Plus d’un milliard de pertes en deux ans, voilà qui serait dangereux pour n’importe quel transporteur, mais pas pour Qatar Airways. L’Etat et le gaz naturel sont derrière la compagnie.

Les difficultés diplomatiques auxquelles le Qatar est confronté, lesquelles expliquent en grande partie les résultats économiques, n’ont pas freiné les ambitions du transporteur Qatari. Akbar Al Baker s’est lancé dans des prises de participations considérables : 20,01 % du groupe IAG pour un montant probablement supérieur à 2 milliards de livres sterling, 10% du Sud-Américain LATAM acquis pour 613 millions de dollars et 49% de AQA Holdings, la société mère de Meridiana rebaptisée Air Italy et qui devra passer de 15 appareils à 50. Et pour faire bonne mesure, Qatar Airways a acheté 25% de l’aéroport moscovite Vnoukovo.

Les investissements sont certes très importants, mais Qatar Airways a été nommé pour la 5ème année consécutive meilleure compagnie mondiale. Voilà qui peut peser positivement sur l’image du pays. Le transporteur Qatari va maintenant se mesurer sérieusement à sa puissante voisine Emirates, la lutte entre les deux plus gros transporteurs du Golfe promet d’être intéressante à suivre.

Delta, le phénix

À l’opposé du modèle de Qatar Airways, voici Delta Air Lines qui ne cache pas elle non plus ses ambitions. La compagnie a une histoire mouvementée. C’est l’une des plus vieilles du monde, elle a été créée le 30 mai 1924. Sa croissance s’est faite certes avec l’énorme développement du transport aérien américain, mais aussi par une politique de fusion/acquisitions très fructueuse, Chicago Airlines, Southeast Airlines, Northeast Airlines, Western Airlines, Pan Am Shuttle et Northwest Airlines, pour ne citer que les plus significatives. Elle revient de loin. Les comptes ont été largement plombés au début des années 2000, atteignant des pertes colossales : 3,8 milliards de $ en 2005, 6,2 milliards de $ en 2006 et jusqu’à un déficit carrément historique de 8,9 milliards de $ en 2008. En bonne logique la compagnie n’aurait pas dû s’en sortir, mais les États-Unis disposent d’une législation intelligente pour gérer les dépôts de bilan, c’est le « Chapter 11 ». Delta Air Lines s’est mise sous sa protection le 15 septembre 2005 et en est ressortie totalement restructurée le 30 avril 2007. Qu’on le veuille ou non, cette disposition constitue un sérieux coup de pouce donné aux sociétés américaines et aux transporteurs en particulier.

Les résultats ne se sont d’ailleurs pas fait attendre. Car après la perte historique de près de 9 milliards de $ en 2008, la compagnie a affiché le plus gros profit jamais enregistré par ce secteur d’activité : 10,540 milliards de $ en 2013. Et depuis Delta Air Lines étend son empire à coups de Joint Ventures : Aeromexico, Air France/KLM, Korean Air, Latam entre autres avec très souvent des prises de participation importantes : 49% dans Aeromexico, près de 9% dans Air France/KLM, 20% dans Latam, 49% dans Virgin Atlantic. Et Delta Air Lines s’invite maintenant au tour de table d’Alitalia. L’ensemble de ces prises de participations est largement supérieur à 5 milliards de $. Voilà qui n’est pas rien.

Deux transporteurs ambitieux et si différents vont certainement faire bouger le paysage du transport aérien. Affaire à suivre…