Air Austral : le rapprochement avec Corsair a du plomb dans l’aile

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Tikehau Ace Capital renoncerait à son projet de coopération commerciale des deux transporteurs sur l’axe Métropole-Océan Indien, laissant la voie libre au projet alternatif porté par les autorités réunionaises et des acteurs locaux rassemblés autour du groupe Deleflie.

La Commission européenne a conditionné la deuxième aide publique à Air Austral, en avril dernier, à l’adoption d’un plan de restructuration de la compagnie aérienne. Le gouvernement français a jusqu’au 30 juin prochain pour présenter ce plan. Paris soutenait jusqu’à présent l’initiative de Tikehau Ace Capital de rassembler Air Austral et Corsair sous une même holding, s’engageant à investir 60 à 70 millions d’euros dans la nouvelle sturcture. L’idée était de conserver les deux marques et entités tout en mettant en œuvre des achats communs et des synergies sur le plan opérationnel, ce qui permettrait d’améliorer leur rentabilité économique. Mais la société de capital-investissement vient d’annoncer qu’elle renonçait au projet, laissant le champs libre au projet alternatif soutenu par la Région. Cette dernière souhaite en effet conserver l’ancrage local d’Air Austral. L’été dernier, Huguette Bello, présidente de la Région, avait ainsi adressé une lettre au président de la République Emmanuel Macron, dans laquelle elle manifestait sa crainte qu’Air Austral soit absorbée dans une entité contrôlée par le « puissant lobby antillais » (*), perdant ainsi son rôle majeur de désenclavement de l’île de l’Océan indien.

La solution alternative est portée par le groupe réunionnais Deleflie (Clinifutur), acteur majeur de la santé à La Réunion et propriétaire de cliniques. Le tour de table qu’il a rassemblé avec d’autres entrepreneurs réunionais deviendrait l’actionnaire majoritaire de la compagnie. Il injecterait une soixantaine de millions dans le transporteur et s’engagerait à maintenir l’emploi. Mais Deleflie demande en contrepartie que soit effactée la dette de la compagnie (estimée à quelque 220 millions d’euros). Actuellement, la compagnie réunionaise est adossée aux structures publiques de l’île. Son actionnaire de référence n’est autre en effet que la SEMATRA, société d’économie mixte détentrice de 99% de son capital, elle-même contrôlée à 85% par la Région et le département. Pour survivre pendant la pandémie, outre un PGE, cette structure a d’ailleurs joué son rôle d’actionnaire, lui permettant d’obtenir un prêt. Si le projet porté par Deleflie voit le jour, la SEMATRA conserverait 34% des actions d’Air Austral, disposant ainsi d’une minorité de blocage.

Certains observateurs avisés du secteur, soulignant le besoin d’une consolidation de la desserte de l’île, préconisent pourtant clairement un rapprochement d’Air Austral avec Corsair. La concurrence est rude en effet entre la Métropole et La Réunion, un axe sur lequel opèrent aussi Air France et French bee. Pour le gouvernement, le choix de Deleflie ressemble à une double peine, avec le maintien d’une offre parfois excédentaire qui fragilise les différents pavillons sur cet axe – dont bien sûr Air France – mais aussi une dette qu’il faudra effacer et qui la concerne au premier chef.