F. Mazzella (BlaBlaCar) : « Une fois la relation établie, la visio peut se substituer au déplacement »

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F. Mazzella (BlaBlaCar) :

En marge d'une keynote particulièrement inspirante à l'occasion de la dernière Masterclass GBTA, Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar, nous a accordé une interview...

En quoi BlaBlaCar peut inspirer le business travel ?

Frédéric Mazzella : BlaBlaCar, c’est, au final, une meilleure utilisation des moyens de déplacement donc tout ce qui permet de partager l’usage va dans ce sens. Tout ce qui permet de maximiser le remplissage des moyens de transport - c’est déjà le cas pour certains d’entre eux, partout où il y a des places libres, il y a de l'optimisation à aller chercher.

BlaBlaCar est présent dans 22 pays, êtes-vous un gros voyageur d'affaires ?

Pas tant que ça. Dès qu'on s'est développé à l’international, en 2012-2013, on a équipé nos différents bureaux de dispositifs de visioconférence, nous permettant d'organiser des réunions aux quatre coins du monde en ayant l’impression d'être dans la même pièce, précisément pour diminuer les déplacements. Les déplacements, la rencontre réelle sont importants quand on débute une relation : au sein d'équipe, avec des clients ou partenaires. Une fois qu'elle est établie, on peut interagir à distance avec une bonne efficacité et en gagnant le temps de déplacement. 

Bla-Bla Car est une solution peu adaptée aux déplacements professionnels longue distance. En revanche, elle semble convenir aux déplacements professionnels du quotidien. Est-ce le cas ?

Oui, pour répondre à ce besoin concernant les trajets domicile-travail, il y a désormais BlaBlaCar Daily pour des déplacements quotidiens le matin et le soir. En moyenne, les distances moyennes sont d’une vingtaine de kilomètre en Ile-de-France, et d’une quarantaine en province. Il y a 2,5 millions de personnes qui y sont inscrites. Il y a clairement un boom de cette activité depuis ces derniers mois lié à plusieurs facteurs : déjà, bien sûr, une reprise des déplacements post-pandémie et surtout du fait de l’augmentation du prix du carburant. Avec une essence à 2€ le litre, partager ses frais de déplacement devient un reflexe. D'ailleurs, BlaBlaCar “classique” profite aussi de cette augmentation : nos volumes sont aujourd'hui largement au-dessus du pré-pandémie. Les utilisateurs sont poussés par la rationalité financière et pas seulement l’économie d’énergie... Même si derrière l’économie financière, il y a de l’économie d’énergie, c’est un peu ça la beauté du modèle.

Les télétravailleurs, et les télétravailleurs lointains en particulier, vont-ils se voir offrir une particulière ? Et qu'en est-il de cette tendance au sein de votre entreprise ?

Non, il n'y a pas pas d’offre particulière pour les télétravailleurs lointains car la simplicité d’utilisation de BlaBlaCar est telle que l’offre classique est adaptée à tous les types d’utilisation, y compris récurrents. Concernant notre organisation interne, oui on a beaucoup de personnes en télétravail. Les courbes d’occupation de nos locaux dépendent des jours : mardi, mercredi, jeudi sont beaucoup plus occupés que lundi et vendredi. On a donc une hybridation du travail. Certains collaborateurs sont même “remote only” et recrutés comme tel. Ce qui permet d’aller chercher des personnes partout et pas seulement à proximité de nos locaux, ce qui intéressant dans un contexte de pénurie de talents dans les métiers de la tech. Après, le challenge est de créer, de conserver, d'alimenter une culture d’entreprise forte avec des personnes qui se voient moins souvent.

Comment voyez-vous l'avenir du business travel ?

Il faut concevoir les relations pro globalement : il y a les mails, le téléphone, la visio, les déplacements. Les outils de visio qui permettent une interactivité très avancée vont prendre une part aux déplacements, ça me parait évident. Il y en aura donc moins. Et force est de constater que c'est une bonne chose en termes d’impact environnemental.

Aujourd'hui vous passez une partie de votre temps à aider de jeunes entrepreneurs. De quelle manière ?

Oui, je consacre pas mal de temps à France digitale, la plus grande asso de ce type en Europe, qui regroupe 2000 startups et 100 VC (venture capitalist, investisseurs, ndr). J’en suis le coprésident (depuis 2019, ndr) pour aider ces entreprises individuellement en faisant beaucoup de partage de connaissances pour éviter que chacun réinvente la roue de son côté. Mais aussi en faisant une synthèse de ce dont cet ecosystème a besoin pour mieux se développer, en allant en parler aux décideurs, aux régulateurs.

La mobilité y est-elle bien représentée ? Avez-vous, dans ce domaine, le nom d'une startup prometteuse à nous soumettre ?

Oui la mobilité est très présente, et c'est logique : on est tous dedans, on l'utilise beaucoup, sous toutes ses formes - du quotidien, occasionnelle. Un coup de cœur ? Il y en a plein, mais si j'en cite certaines je vais en oublier d'autres, je ne préfère pas. Mais je vous assure qu'il y a plusieurs startups françaises qui ont d'excellents produits dans ce domaine.