Quand Pat analyse l’édito du 24 janvier : « Et si la SNCF se contentait de faire rouler des trains ? »

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A l’occasion également contributeur de quelques billets d’humeur ou tribunes libres sur ce site, je me permets si vous le permettez de compléter votre propos de l'édito du 24 janvier, et peut-être d’ailleurs de commencer à apporter une réponse à vos interrogations et à celles des lecteurs.

En proposant trois services sur le même axe, la Sncf est au moins sûre d’une chose. Elle prend de la place, toute la place (mis à part l’aérien, encore qu’avec votre idée de montgolfière vous allez peut-être l’inspirer). Ce faisant, ayant fixé le prix et donc la règle du jeu, elle dissuade tout autre concurrent terrestre de venir sur ses platebandes. Peut-être, sans doute même, ne gagnera t-elle guère d’argent avec ses Idbus ou Ouigo, mais par ces services somme toute dégradés par rapport à TGV, elle redonnera de la valeur à son offre phare. Et justifiera ainsi «la normalité» de son prix de vente ! Pertes éventuelles que pour IDbus vous ne retrouverez d’ailleurs pas dans les comptes de l’établissement public Sncf mais dans ceux de la société par actions simplifiée à associé unique (SASU) «SNCF-C6». Société dont le capital est d’ailleurs passé ce 17 janvier 2013 de 6 millions à 17 millions. «11 millions, pas de problème ! Je les ai sur moi !».

Quant-à OUIGO, marque dans l’offre de Sncf-Voyages, ses comptes seront noyés dans ceux de cette branche de l’entreprise : un million de billets (et de service) low-cost sur un marché de 130 millions de voyages grandes lignes. «Un îlot de pertes dans un océan de profits», disait-on à une époque dans la grande distribution. Ce n’est pas pour rien que la Sncf a recruté en masse à la sortie des plus grandes et prestigieuses écoles de commerce («les écoles de la bourgeoisie», comme dit encore parfois la Cgt dans l’entreprise !). Pour ce qui est de substituer des autocars aux trains sur certaines lignes «pas rentables», la question passe par les autorités organisatrices des transports. Et si vous leur demandez leur avis, elles préfèrent le train ou en tout cas, ne veulent pas assumer un choix contraire devant leurs électeurs.

D’ailleurs, le chemin de fer étant un moyen de transport à rendement croissant, veiller à continuer d’utiliser l’infrastructure existante diminue pour chacun la charge des coûts à partager. Si l’Etat lâche financièrement certains Trains d’Equilibre du Territoire, la charge d’entretien des sections de lignes correspondantes sera plus élevée pour les régions qui y font circuler leurs TER. Charge supplémentaire que vous retrouverez également dans le transport de fret ferroviaire (public ou privé d’ailleurs) qui déjà ne va pas bien (privé comme public aussi !). Ce n’est pas simple. Répondre à ces questions et parfois contradictions, c’est finalement mener une politique des transports. C’est peut-être ce qui fait défaut ? Et qui conduit à ce que la Sncf agisse parfois en franc tireur avec sans doute des stratégies et des visions à long terme que vous comme moi, ni le voyageur / client / usager / contribuable / électeur pas davantage, n’arrivent à discerner. L’entreprise est pourtant bien évidemment sous tutelle des pouvoirs publics. Mais croyez-moi, je sais comment ça se passe.

Les gros dossiers sensibles, elle se débrouille pour les passer dans les périodes de flottement décisionnel, entre deux élections par exemple ou en situation de crise ministérielle. Les tutelles (car elle en a plusieurs) n’ayant en général que deux ou trois semaines pour bloquer ou réorienter un projet et personne ne prenant plus de décisions dans ces périodes consacrées à faire les cartons dans les ministères, c’est le silence qui prévaut. Et nombre de projets de la Sncf sont ainsi validés par défaut ! Le temps que le Ministre nouvellement en place s’en rende compte ensuite, c’est trop tard, le coup est parti ! Je ne sais pas si Guillaume Pepy sera ou non reconduit à ses fonctions à la fin de son mandat, le mois prochain. Mais s’il ne l’est pas, il le devra sans doute à quelques coups tordus comme ça, lui qui s’y connait particulièrement bien pour avoir pratiqué longtemps les coulisses et les méandres des cabinets ministériels.

PAT