Voyager sous la menace

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Le Monde est-il moins sûr qu’avant ? Voilà la question qui anime depuis quelques semaines les éditorialistes de la presse américaine. Mais le Monde a t-il sûr, un jour ? Demandent les spécialistes de la diplomatie et ceux en charge de la sécurité gouvernementale. La question peut faire sourire face à tant de naïveté, mais elle a le mérite d’attirer l’attention des politiques sur le quotidien de celles et ceux qui se déplacent pour leurs entreprises. A tel point qu’un colloque sera organisé sur ce sujet en septembre prochain à Chicago. Outre les politiques, les entreprises viendront expliquer comment elles s’organisent pour sécuriser leurs voyageurs. Une première.

Si le New York Times revient souvent sur les difficultés que rencontrent les entreprises pour sécuriser les déplacements dans des zones mouvementés de notre planète, il évoque depuis peu la masse d’informations contradictoires en provenance des pays considérés comme dangereux. Un trop plein de données qui ne permet pas d’analyser froidement la situation réelle sur place. Car au final, et beaucoup d’experts sont formels, ce qui compte c’est la qualité des données sécuritaires en provenance d’un pays difficile. «Beaucoup de pays en savent plus qu’ils veulent bien le dire», commente anonymement l’un des spécialistes de Geos qui reconnaît que «Certaines informations sensibles qui seraient utiles aux gestionnaires de voyages ne quittent pas le Quai d’Orsay ou le Ministère de la Défense. Seules de très grandes entreprises, comme Total ou Thales, peuvent accéder à des datas essentielles à la sécurité des représentants de ces grandes sociétés aux activités stratégiques pour notre pays ».
Faut-il alors imaginer qu’il y a une sécurité à deux vitesses ? On pourrait le penser. Et c’est justement là le sujet évoqué par les éditorialistes américains. Ne faut-il pas envisager une agence internationale de la sécurité privée dont la seule mission serait d’informer les entreprises et leurs voyageurs, voire même les touristes. Difficile question car la sécurité se doit d’être discrète. L’afficher au grand jour serait donner notre savoir aux terroristes de tous poils. Impensable. Faut-il alors accepter de livrer de temps en temps quelques voyageurs à la vindicte politique de quelques groupuscules armés, un peu comme on livrait de jeunes vierges aux dieux Incas ? L’idée est inacceptable et pourtant ! Que pèse un voyageur assassiné dans le commerce mondial ? Une ou deux semaines d’indignation. Et après ? Le pire, justement, c’est qu’après tout redevient normal. Et là, c’est inacceptable.

Marcel Lévy