Après la desserte des "départements d'Amérique française" que sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Saint Martin, Air Caraïbes ajoute une destination à son arc, Cuba. La compagnie a lancé sa liaison Paris Orly - La Havane le 9 décembre 2016. Le vol inaugural a été l'occasion pour la compagnie de dévoiler ses ambitions et ses projets.
Air Caraïbes, qui est parvenue à dépasser Air France en part de marché sur les Antilles françaises en juillet et août dernier, est bien décidée à jouer aussi le rôle de challenger de la compagnie nationale sur Cuba. Elle a travaillé ardûment pour se poser rapidement sur cette destination dont la France est le 10ème partenaire économique avec 180 millions d'euros d'échanges commerciaux.
Marc Rochet, Président du Directoire d'Air Caraïbes , explique "Nous avons voulu être les premiers à profiter de l'ouverture du trafic de Cuba. Et cela a été sportif. Le dernier coup de tampon a été donné 48 heures avant le départ". Il a détaillé pour DeplacementsPros.com les ambitions de la compagnie ainsi que son regard sur le secteur aérien actuel.
DeplacementsPros : Air Caraïbes a choisi de mettre le cap sur la Havane, quel est le potentiel corporate de cette destination ?
DeplacementsPros : Et pour le MICE ?
On ne peut pas avoir ces trafics au début, ne serait-ce parce que lorsque vous montez une opération événementielle ou un congrès ici, vous l'avez préparé il y a 12 ou 18 mois. Et à cette époque là, nous n'étions pas encore sur Cuba. Il y a donc 18 mois de décollage sur ce segment.
DeplacementsPros : Quel est votre part business sur l'ensemble de votre réseau ?
Sur le long-courrier, cela se joue entre Paris - Point à Pitre et Paris - Fort de France. Cayenne deviendra bientôt notre première route. Mais pour le moment, il n'y pas assez de vols. C'est pourquoi il est prévu dans le plan 2017 que nous ajoutions une 4ème fréquence directe sur Cayenne. Cela va nous permettre d'acquérir la légitimité à avoir un trafic affaires.
DeplacementsPros : French Blue a été lancée il y a quelque mois. Quel est le bilan de ces premiers mois d'exploitation ?
Faisons un parallèle avec les Antilles. Toutes compagnies confondues, les tarifs ont baissé de 8 à 9% et le trafic a cru de 5% et 10% environ selon les îles et les périodes. Il n'y a pas eu cet effet à La Réunion car les prix n'ont pas bougé. Avec notre arrivée, les tarifs vont bouger. Par effet mécanique, le trafic va croître et nous souhaitons en absorber une grande partie.
DeplacementsPros : N'est-il pas difficile de gérer plusieurs opérateurs? Ne risquent-ils pas de se faire concurrence à terme ?
Je constate d'ailleurs que lorsque nous avons lancé le projet French Blue sous le nom alors de Sunline, beaucoup de doutes ont été émis. Aujourd'hui, tout le monde veut faire du low-cost long-courrier : Air France veut créer Boost, Corsair s'intéresse à des projets similaires. Nous sommes sans doute en avance sur les autres, tant mieux pour nous et pour l'émulation que cela va provoquer. Que le meilleur gagne!
DeplacementsPros : Mais la reprise de la hausse des prix du pétrole ne représente-t-elle pas un risque pour les low-cost long-courrier à terme ?
Aujourd'hui, le pétrole est en train de remonter, mais soyons clair il y a 3 ou 4 ans nous étions à 900 dollars la tonne de kérosène. Nous sommes tombés à 450 et nous sommes maintenant en train de remonter vers 500/520. Cela reste un pétrole pas cher pour le transport aérien.
Autre point, le coût que représente le carburant n'est qu'une partie des coûts des compagnies. Elles doivent aussi faire des efforts de productivité et d'efficacité, permettant d'avoir une offre encore intéressante pour les clients. Ces derniers voyagent plus quand les prix sont moins élevés. A nous de trouver les bonnes solutions pour cela.
DeplacementsPros : Le Business Travel pourrait-il être une cible pour les low cost long-courrier ? A l'exemple de Ryanair et EasyJet, qui se développent maintenant sur ce segment au niveau européen?
Ce qui vaut cher pour le voyageur d'affaires, c'est le temps. Il ne veut pas attendre 3 jours pour partir. Lorsqu'il y a de la fréquence, forcément il commence à s'intéresser à l'offre. Il est comme tout le monde, il a un raisonnement économique. Il ne voit pas pourquoi il payerait plus cher s'il a un service efficace à sa disposition.
Dans le long-courrier, je doute que les modèles low-cost arrivent rapidement à avoir assez de vols sur une même route pour pouvoir répondre à cette clientèle. Ceux-ci dit, il y a 20 ans, peu de gens croyait au succès low-cost court et moyen courrier. Certains prédisaient sa perte, ils se sont trompés. Donc personne ne peut prédire l'histoire du long-courrier sur ce créneau.
On constate aussi que les projets low-cost ne sont pas mono-classe. Les compagnies long courrier ont des offres Premium et Eco. Les compagnies se sont réservé la possibilité d'aller mordre sur cette clientèle business mais pour le moment, c'est au stade d'embryon.
DeplacementsPros : Quel regard portez-vous sur le rapprochement XL Airways/La compagnie ?
Prenons l'exemple de Ryanair et EasyJet, on a longtemps dit qu'ils allaient faire du long-courrier. Moi, j'ai toujours été convaincu qu'ils n'en feraient pas, car ça complexifie le modèle. Le long et court-courrier, c'est compliqué. Ces segments n'ont pas la même réglementation, pas les mêmes pilotes, pas les mêmes avions, pas les mêmes réseaux ou pays desservis donc ça n'a pas pu se lancer chez eux.
DeplacementsPros : Quel avenir voyez vous pour le monde aérien ?
Pour les compagnies traditionnelles, on n'échappera pas à un phénomène de concentration. Les missions à couvrir, les flottes à mettre en œuvre, les territoires à conquérir sur le plan commercial demandent de tels investissements que les petites compagnies auront des difficultés. On le voit déjà en Europe avec certains transporteurs, avec la santé d'Alitalia ou encore de Tap Portugal. On va forcément se concentrer sur trois ou quatre grands groupes dans les prochaines années.
Entretien réalisé par Sophie Raffin