Retour aux 90km/h : une mise en oeuvre difficile et très limitée

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Mesure phare du Premier Ministre Edouard Philippe, la limitation à 80km/h sur les routes françaises avait rencontré une forte opposition. Un an et demi plus tard, le 90km/h fait son retour grâce à une disposition de la nouvelle loi d’orientation des mobilités( LOM). Depuis fin décembre les départements peuvent choisir de revenir à la vitesse de 90km/h sur certains tronçons, mais peu le feront car la mesure est difficile à mettre en oeuvre.

Les élus locaux, même les plus hostiles aux 80km/h, semblent guère pressés de revenir à l’ancienne réglementation. Ce manque d’enthousiasme peut s’expliquer par les conditions de retour au 90km/h qui sont jugées trop contraignantes par certains responsables politiques. Responsabilité pénale du président du Conseil départemental en cas d’accident, obligation d’avoir un tronçon minimum de 10 km sans intersection, sans arrêt de transport scolaire, sans passage de véhicules lents et d’engins agricoles et sans habitation pour retourner au 90km/h. Des élus qui ont également été refroidis par les conclusions du Conseil national de sécurité routière (CNSR). En effet, le CNSR estime que pour baisser le nombre d’accidents de la route, si l’abaissement de la vitesse n’est pas une possibilité, il faudrait alors se tourner vers d’autres solutions comme l’impossibilité de dépasser sur les routes à une fois une voie. Des recommandations qui auraient pour conséquence d’obliger les départements à créer des contournements sur les routes concernées, de quoi refroidir considérablement les élus locaux.

Beaucoup d’automobilistes attendent cette mesure. Mais augmenter la vitesse sans augmenter les risques est impossible, même si l’abaissement à 80km/h semble avoir eu incidence limité sur la mortalité routière. Selon le gouvernement, le passage à 80km/h aurait permis de sauver 200 vies sur nos routes. Un chiffre qui pourrait, à lui seul, justifier le maintien à 80km/h.

Quoi qu’il en soit, plusieurs départements annoncent être prêts pour le retour des 90km/h. Ainsi, sur les 3 400 kilomètres de routes départementales que comptent le Bas-Rhin, 54 vont repasser à 90km/h. En Corrèze le conseil départemental entend bien rétablir la limitation à 90 km/h sur l’ensemble des 4 700 km de réseau départemental, à quelques exceptions près. 23 nouveaux secteurs jugés «à risques» ont été déterminés après concertation avec les maires concernés. Sur ces zones dangereuses la vitesse sera limitée à 70 km/h. Le président du conseil départemental de la Charente est sur la même position que son collègue de Charente Maritime. La vitesse maximale autorisée sera relevée à 90km/h seulement sur les routes les plus sécurisées : « si je vous donne un pourcentage, vous me direz que ce n’est pas beaucoup : entre 5 et 7% du linéaire du département mais ces routes sont empruntées par 20 à 25% des véhicules » ,expliquait dernièrement l’élu au journal Le Parisien

Le département de l’Hérault, l’Indre et Loir, Nice et sa Métropole, la Meurthe et Moselle, pour n’en citer que quelques uns se sont également engagés vers un retour aux 90km/h sur certains tronçons routiers.  

D’autres élus aimeraient bien suivre le mouvement mais ils se disent empêchés. Opposé au passage des routes à 80 km/h, le président du conseil départemental du Tarn s’était réjoui de ce retour à l’ancienne vitesse. Après examen minutieux des conditions demandées par le Conseil national de sécurité routière pour changer la limitation de vitesse sur ces routes, Christophe Ramond (PS) dénonce « des bâtons dans les roues » et assure que sur 600 km de routes identifiées, aucune ne rentre dans les critères de l’Etat. « C’est un jeu de dupes de l’Etat car les conditions sont trop strictes, surtout pour un département rural comme le nôtre. »  Un point de vue partagé par de nombreux responsables locaux.

Pour le moment rien n’est encore figé. Les changements interviendront progressivement au cours de l’année (et même après), selon les départements. Une situation qui ne va pas simplifier les déplacements professionnels par la route. Les voyages d’affaires qui circulent régulièrement en France devront rester vigilants et observer la signalisation routière qui pourra indiquer de nombreux changements de limitation sur un même axe.