Crash d’Ethiopian: faut-il avoir peur du Boeing 737 Max ?

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Après les deux accidents impliquant des Boeing 737 Max (Lion Air et Ethiopian Airlines), la question de la fiabilité des moyens informatiques embarqués fait une nouvelle fois débat. Alors que l'on évoque depuis plusieurs années, déjà, la possibilité de faire voler des avions sans pilotes, peut-on avoir une confiance aveugle dans les systèmes informatiques qui assistent les pilotes ?

Si après chaque catastrophe aérienne, le monde se peuple d'experts aéronautiques ( à la façon de Doctissimo qui fait de chacun un expert médical), les spéculations ne peuvent remplacer l'analyse complète des boites noires permettant d'accéder à toutes les données du vol.

Les boîtes noires du Boeing 737 MAX d’Ethiopian qui s’est écrasé dimanche à l’est d’Addis Abeba, faisant 157 morts, ont été transférées ce jeudi au Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA) français. L'Ethiopie, n'ayant pas les moyens techniques de les exploiter, a demandé l'aide de la France.

La classe des Boeing 737 Max est récente. Le 737 Max 8 ou 737 - 800 Max a obtenu sa certification américaine en 2017, deux ans jour pour jour avant la catastrophe d'Addis-Abeba. C'est un avion moderne, plus économe que les versions précédentes, mais il ne s'agit pas d'un nouvel engin volant. Les Boeing 737 existent depuis 1967, ils se déclinent en une série de plus de 10 modèles pouvant emporter de 85 à 215 passagers. Mais c'est surtout l'avion de ligne à réaction le plus vendu de l'histoire. Il a largement fait preuve de sa fiabilité auprès des compagnies du monde entier.

Dans les deux accidents où cet avion est impliqué (Ethiopian et Lion Air ), sans oublier le crash d'un 737-800 en Russie en mars 2016 (vol 981 de Flydubai) qui a fait 62 morts et qui présente de nombreuses similitudes, il apparaît que, dans une phase de vol supposée normale, les pilotes ont été dépassés par la machine.

C'est l'informatique qui est coupable, disent les uns, tandis que d'autres pointent des défaillances dans le pilotage. L'informatique embarquée qui gère tous les paramètres de vol et qui fait plus qu'assister les pilotes, fonctionne sur des programmes éprouvés, apporte des réponses adaptées, encore faut-il que le message soit clairement perçu par l'équipage habitué à une certaine routine dans le cockpit et qui peut se retrouver vite dépassé face à des données auxquelles il ne s'attendait pas.

Si les systèmes sont fiables et les pilotes compétents, pourquoi des avions s'écrasent-ils ? Il n'y a pas d'avion maudit, de modèles plus accidentogènes que d'autres. L'origine de ces accidents se trouve, en fait, en amont du cockpit. Lors de la phase d'élaboration et de mise au point des systèmes d'assistance en vol. Deux mondes se rencontrent et doivent réussir à s'entendre et se comprendre. Les informaticiens et les pilotes. Deux univers où l'on n'aborde pas les problématiques de la même façon, ni avec la même logique.
L'Interface Homme Machine (HMI) est une interface permettant à un utilisateur d’interagir avec une machine. Le système est développé par les informaticiens sur la base des données objectives des lois physiques et sur les indications des pilotes. Tout a-t 'il bien été prévu, bien expliqué, bien anticipé ? Tous les scénarios envisagés ? Les pilotes sont-ils capables de mémoriser toutes les procédures et surtout de les mettre en œuvre activement plutôt que de subir une série d'alertes avant le crash final ?

Lors de leur qualification, les pilotes de ligne répètent dans un simulateur les procédures à adopter en cas de panne. Plus de 4500 pannes sont possibles sur un avion de ligne mais ils n'ont, en général, pas répété plus de 450 situations critiques. Sauront ils comprendre les interfaces et comment se comporter en cas d'un problème qui n'aurait pas été anticipé en simulateur ?

Il y a une part de fatalité dans toute entreprise humaine. Ni la mécanique, ni l'informatique n'ont une âme et c'est pour cela qu'elles peuvent nous trahir à chaque instant. Tant que des avions voleront, la part de risque restera présente.

Faut-il aujourd'hui accuser le Boeing 737 Max en le présentant comme un avion dangereux ? Au delà des intérêts économiques et des rivalités entre les principaux avionneurs, il est difficile de mettre en cause un appareil dont le concept, éprouvé, vole depuis plus de 50 ans en toute sécurité. D'un point de vue purement statistique, cet avion est fiable et son usage l'a prouvé.

Les systèmes informatiques embarqués sont-ils les responsables ? D'une certaine manière, oui peut-être mais de façon ni directe, ni active. Les informations envoyées n'ont peut-être pas été comprises ou pas énoncées de façon logique pour les pilotes ou encore mal analysées. Un système devenu trop complexe pour des pilotes qui ne sont toujours pas des ingénieurs en informatique.

Quoi qu'il en soit, il est nécessaire de rappeler que dans le domaine de l'aéronautique, jusqu'à présent, l'informatique a sauvé plus de vie qu'elle n'a provoqué d'accidents.

Il semble acquis que ces équipements sont capables d'effectuer les mêmes taches et fonctions qu'un équipage humain à bord d'un appareil. Les projets d'avions sans pilotes existent et tout le monde s'accorde sur un point, la technologie permet d'envisager cette possibilité à très courte échéance.

Seriez-vous prêt à monter dans un avion sans pilote ? Vaincre la réticence des passagers sera le dernier obstacle à lever. Des passagers qui ignorent, pour la plupart, que déjà l'informatique a pris le pas dans les cockpits et qu'en cas de conflit ou d'incompréhension avec les appareils de bord, le facteur humain est souvent à l'origine de l'accident.

Mais restons sereins, même si le crash d'Ethiopian Airlines vient de nous rappeler qu'aucun déplacement n'est sans risque, il ne faut céder à aucune panique: les transports aériens n'ont jamais été aussi sûrs qu'aujourd'hui.


Emmanuel d'Abzac