En Chine, les voyageurs d’affaires font la révolution !

194

C'est un événement passé quasiment inaperçu qui amuse les observateurs du voyage d'affaires chinois. Pour la première fois, les millenials manifestent leur envie de ne plus voyager "à la papa", en groupe, costumés et cravatés. Ils veulent désormais plus d'indépendance et bousculent les codes et les usages. Une révolution.

Le Président Mao doit se retourner dans sa tombe. Les jeunes n'obéissent plus et se rebiffent face aux coutumes et aux usages. Ceux qu'il appellerait les "intellectuels du capitalisme" sont aujourd'hui aux commandes économiques du pays. Que veulent-ils ? Plus de liberté pour voyager, des programmes de déplacements moins rigides et une liberté d'action qu'ils jugent nécessaires aux affaires internationales.

C'est un article publié dans un média d'affaires digital qui donne le ton de la révolte : "Les jeunes Chinois ne sont ni des attardés, ni des bébés que l'on chaperonne. Ils savent parler, se tenir en société et négocier pied à pied". Mais pourquoi se révoltent-ils ? Là encore, le média offre un début de réponse : "L'organisation rigide mise en place par les entreprises ne correspond plus à la réalité du monde".

Contrairement à ce que l'on pense, la Chine reste un pays fait d'usages et d'une hiérarchie bien installée. Selon l'échelle sociale établie dans la société, l'âge et le niveau de responsabilités, le déplacement professionnel change du tout au tout. Ces cinq dernières années, il a principalement modifié les relations internes en établissant deux castes au sein de l'entreprise : ceux qui passeront leur vie derrière un bureau et les nomades, guerrier du business, seuls habilités à porter le fer économique dans le monde. Pour préserver l'illusion d'égalité qu'a toujours défendu le communisme à la Chinoise, les déplacements professionnels tenaient plus de l'armée que du Club Med !

Cette politique de la "délégation chinoise", que connaissent tous les pays européens, a pris fin au début des années 2000. Face à une Amérique commerciale quasi triomphante, les Chinois se sont adaptés sans pour autant libérer les règles et desserrer le carcan administratif. C'est aujourd'hui chose faite.

Mais en 20 ans, tout change. On commence en Chine à rappeler les mots de Warren Buffet : "Pour gagner de l'argent il faut en dépenser pour montrer que l'on sait en gagner". Et voilà qu'ils veulent des hôtels 5 étoiles, des voitures de luxe pour les transferts ou des adresses réputées pour les diners d'affaires. "La Chine a réussi se hisser dans le club fermé des pays qui comptent" clame l'économiste chinois, le professeur Mehlang Chang, connu pour son analyse sur le déclin de la France. Pour lui, la Chine doit désormais utiliser les armes de séduction des européens ou des américains. Et de conclure : "Nous ne sommes plus ces petits hommes jaunes que l'on montre comme des curiosités".
Tout est dit !

Les TMC présentes dans le monde entier ont bien compris le potentiel qui s'annonce. "Ici, dans le voyage d'affaires, nous en sommes au stade de l'Europe il y a 15 ans" explique le représentant d'une agence américaine implantée à Shanghai "Tout est à faire et les entreprises sont avides de tous les changements qui les rendront plus adaptées aux attentes des marchés".

Faut-il alors se méfier de cette nouvelle vision des jeunes voyageurs d'affaires ? Sans doute même si les outils dont ils disposent ne sont pas aussi affutés que dans le reste du monde. Les SBT sont encore à améliorer, les outils d'anticipation sont balbutiants et la gestion globale des voyages reste en retard. Mais les Chinois vont vite, très vite. La section "business travel" de Ctrip, construite à l'image des sites de voyage grand public, connait une croissance annuelle à deux chiffres avec presque 6 millions d'utilisateurs réguliers. L'optimisation du transport aérien dans un pays immense comme la Chine est engagée et d'ici 10 ans, plus de 1500 nouvelles liaisons aériennes domestiques seront disponibles.

Efficacité est devenu le maître mot des affaires. Investir est un devoir. Le maillage du territoire et son ouverture sur le monde va profondément changer le regard des entreprises sur les déplacements professionnels. Les coups de boutoir donnés par les nouveaux "guerriers de la route chinois" sur les traditions vont sans aucun doute porter leurs fruits.

La révolution est en route. Question d'habitude !

A Honk Kong,
Johan Yu