L’imbroglio des compagnies aériennes

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Juste quelques exemples pris au hasard. Ethiad prend 25 % dans la compagnie indienne Jet Airways et 29 % d’Air Berlin. Air France/KLM détient 25% d’Alitalia et peut en prendre la majorité, mais ne le souhaite pas. British Airways, via le groupe IAG, tente de prendre les commandes d’Iberia, mais ce n’est pas si simple, alors le Président de IAG Willie Walsh change le président d’Ibéria… Ambiance ! L’OPA sur la majorité de Vueling, lancée par IAG vient d’être autorisée par les autorités espagnoles, mais se heurte à la volonté catalane qui tient à garder ses distances par rapport à Madrid.

L’imbroglio des compagnies aériennes
US Airways fusionne avec American Airlines dans une nouvelle compagnie appelée … American Airlines, mais dirigée par le CEO de US Airways, laquelle est en fait l’ancienne America West Airlines, qui a pris de contrôle de l’ancienne US Airways en en a profité pour changer son nom d’origine pour adopter celui de la compagnie rachetée. Lufthansa qui avait racheté BMI vient de la revendre au groupe IAG, mais elle n’a pas annoncé ses intentions vis-à-vis des compagnies Brussels Airlines et Austrian, dans lesquelles elle détient une part significative du capital. Lan Chile et TAM fusionnent, en fait Lan Chile essaie de prendre le contrôle du marché brésilien, mais cela ne sera certainement pas facile.

En plus de ces prises de participations en chassé-croisé, les compagnies créent des «joint-ventures», pseudo sociétés destinées à mettre en commun les dépenses et recettes sur certains axes, comme par exemple Air France/KLM et Delta mais aussi British Airways et American Airlines, qui fusionne avec US Airways, etc… sur l’Atlantique Nord et puis il y a les innombrables «code shares» qui sont signés par les compagnies à l’intérieur ou à l’extérieur d’une alliance. Petite question au passage : quel est finalement le poids d’une alliance si chacun de ses membres peut à loisir signer des accords de partage de codes avec des compagnies étrangères au périmètre de l’alliance… et pourquoi pas, après tout, même d’une autre alliance, donc ennemie.

Bref, on n’y comprend plus rien. Et surtout on ne voit plus clairement qui commande et quoi. Tout semble aller dans tous les sens dans un mouvement brownien de moins en moins contrôlé. Alors il n’y a plus de stratégie claire et on a l’impression que toutes les décisions annoncées ne sont qu’une manière de défendre un périmètre, un marché, une route importante. Bref, c’est la politique moyenâgeuse ou les châtelains cherchaient à étendre leur territoire pour mieux défendre leur pré carré. Sauf que cela se pratique maintenant à l’échelle de la planète.

Et le client la dedans ? Eh bien, hélas, tout le monde s’en fiche. Il n’entre jamais dans une des composantes qui décide de l’application de telle ou telle stratégie. Finalement les compagnies pensent qu’il suffit de le gonfler avec des «miles» dont plus de la moitié ne seront jamais utilisés, cela pour les passagers affaires et avec des tarifs plus ou moins bidons, mais toujours affichés très bas pour les clients à motifs personnels.

Fort heureusement, l’OACI veille à l’amélioration de la sécurité du transport aérien et son action, bien que très discrète, porte des résultats considérables. Le nombre d’accidents diminue très régulièrement en dépit de l’augmentation constante du trafic. Les «canards boiteux» sont chassés des marchés. Les listes noires ont finalement des effets bénéfiques, dommage qu’elles ne soient pas prises à l’échelon mondial, mais uniquement régional. On peut ainsi voir une compagnie «black listée» en Europe acheter dans cette même Europe 230 appareils qui seront utilisés dans un autre continent. Où est la cohérence ?

Au fond, il manque une autorité qui assurerait la protection de ce qui est le plus précieux : les marchés. Certes c’est en théorie la mission d’IATA. Les responsables de cette grande institution sont bien conscients des excès des membres qui la composent. Ils voient bien la différence de considération entre les compagnies aériennes et les agents de voyages, particulièrement mal traités non seulement par cette organisation, mais par les compagnies elles-mêmes. IATA a parfaitement le savoir-faire et les moyens pour éviter les excès tarifaires de ses membres. Cette organisation sait, par exemple, calculer les vrais prix de revient des compagnies en tenant compte de tous les paramètres économiques et par conséquent elle pourrait fournir aux Tribunaux les moyens de juger de la vente à parte pratiquée par nombre de compagnies. Seulement les grands opérateurs s’y opposent. Sans doute parce qu’ils mettent eux-mêmes la main dans le pot de confiture.

Et bonne chance tout de même aux clients.

Jean-Louis BAROUX