Plus bas que moi, tu meurs !

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Pour faire face à la concurrence des transporteurs à bas coût (nos fameuses low-costs), les compagnies aériennes traditionnelles ont lancé des offres économiques dites basiques dans lesquelles quasiment tous les services sont en option. Les premiers opérateurs à mettre en place ces tarifs furent des compagnies américaines. Les Européens, dont la France, ont naturellement suivi cette évolution. C’est ainsi que l’on a vu apparaitre, chez Air France, l’Economy Light, tarif déstructuré qui permet au transporteur de proposer des vols vers la Guadeloupe à 319€ A/R TTC (ci dessous l’extraction du site internet d’Air France pour un aller sur PTP) . Mais comment les acheteurs et les chargés de voyages considèrent-ils ces offres ?

Une recherche récente de la GBTA (Global Business Travel Association) basée sur les réponses de 168 acheteurs, montre que près des deux tiers des programmes de voyage n'autorisent jamais de réservations utilisant des tarifs économiques basiques. Aux États-Unis, 63% des acheteurs et chargés de voyages bloquent ces offres. Pire, 79% configurent leur outil de réservation pour faire en sorte de les masquer. Cela s’explique aisément par le fait qu’à ces tarifs sont associés de lourdes restrictions de réservation et de voyage et surtout une exposition aux surcoûts liée à la sélection d’options parfois non prises en compte dans les outils.

Au-delà des tarifs économiques basiques, la recherche s’est intéressée à d’autres classes tarifaires. Elle montre que la plupart des politiques voyages autorisent la classe affaires sous conditions. Dans 89% des cas, des dérogations sont prévues pour les longs vols, les vols internationaux ou pour les cadres supérieurs.

Les offres économiques basiques ont le mérite d’exister mais elles ne sont pas adaptées aux déplacements professionnels. De nombreux programmes de voyage adoptent, de préférence, des tarifs économiques classiques (et non basiques), mais en y intégrant des options touchant au confort du voyageur. C’est ainsi que 58% des répondants affirment que leur programme favorise les compagnies proposant un plus grand espace pour les jambes et/ou l'embarquement anticipé.

La différence entre ces offres et la classe Premium proposées par les compagnies traditionnelles est très difficile à justifier financièrement, surtout quand les compagnies à bas coût où à coût optimisé proposent elles aussi une classe Premium intégrant tous les services demandés par les voyageurs d’affaires, mais à un prix bien plus attractif. Un nivellement par le bas a été pratiqué mais nul doute qu’il le sera également par le haut. C’est une question de temps et de pression des acheteurs.

Chez nos collègues Européens, les politiques voyage sont de plus en plus ouvertes aux réservations en classe affaires et en classe économique Premium et Flexible. Le but est de favoriser la préférence et la commodité des voyageurs. Cela s’explique par l’évolution de la mentalité des employeurs qui reconnaissent de plus en plus l'importance du rôle de la politique voyages dans la rétention et le recrutement des employés destinés à voyager fréquemment.

Anticiper c'est bien, mais la dernière minute peut payer

La recherche a également porté sur l'achat anticipé de billets. Il est constaté que dans 91% des cas, l’anticipation était mentionnée (29% imposaient des règles précises et 71% donnent des recommandations). Toutefois, même si un achat anticipé est requis, seulement la moitié des programmes n’imposent pas d’approbation spéciale pour les vols réservés après la date limite d’achat imposée dans la politique voyages.

C’est bien connu, réserver à l'avance peut générer d'importantes économies. Les acheteurs et chargés de voyages ont donc tendance à mettre davantage l'accent sur les achats anticipés en fonction des besoins de leurs voyageurs. De nombreuses études montrent qu’un achat anticipé d’environ une semaine avant le voyage peut générer des économies par rapport au prix moyen des billets. Les achats à long terme sont généralement plus intéressants, mais la plupart des entreprises Européennes cherchent à atteindre un équilibre entre les besoins des voyageurs et les possibilités d’économies. C’est donc la mort du « best buy » absolu.

Les politiques voyages et donc, les programmes d’achat qui y sont associés, tendent à se rigidifier dans les conditions mais pas forcément dans l’approche économique des déplacements. En clair, on peut voyager mieux mais à des conditions strictes.

De fait, l’enquête a également révélé que 82% des programmes de voyage autorisent l’achat de services complémentaires pour lesquels 20% des répondants ont déclaré acheter ces services via l’agence de voyage. Avec l’implémentation en cours de la norme NDC, les services complémentaires deviennent techniquement plus accessibles et ce, dès la réservation du titre de transport. Cet avantage présente des opportunités en répondant parfaitement à un besoin exprimé dans les politiques voyage de plus en plus cadrées. La sélection d’opérateurs (éditeurs, TMC, places de marché…) intégrant ce protocole est donc essentiel.

En revanche, comparé à ce que le marché pensait, la rétrocession d’économie aux « bons » voyageurs n’est pas une notion actuellement plébiscitée par les décideurs Américains car seulement 3% des répondants ont affirmé avoir des programmes qui récompensent les voyageurs économisant sur les dépenses budgétées. En revanche, elle commence à intéresser les différents acteurs car 21% des répondants ont déclaré qu’ils envisageraient de récompenser les voyageurs pour des réservations aériennes conformes à la politique ou peu coûteuses. Affaire à suivre…
Dans ce marché en perpétuel mouvement, les acheteurs et les chargés de voyages doivent donc prendre en compte le fait que les offres sont plus que jamais instables. Ils doivent donc peser le pour et le contre des contrats Corporate par rapport aux offres des agences de voyage proactives mais là, c’est une question de professionnalisme et de responsabilité personnelle et sociétale dans l’approche achats.

Yann Le Goff
Nilrem Consulting
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Ci dessous l’extraction du site internet d’Air France pour un aller sur PTP :