Edito – Le voyage, où tout commence et tout finit

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Lundi 16 mai, les masques tomberont dans les transports. On fait le pari que même le moins nomade des individus, l’utilisateur le moins fréquent des transports ressent cette mesure comme libératoire : la fin de la parenthèse sidérante du Covid-19.

Et cette levée des gestes barrières dans les transports comme symbole d’un retour à la normalité doit être mise en relation avec le début de cette période de deux ans venue bouleverser nos vies. Si elle débuta, en France, par la fermeture des établissements scolaires, c’est vraisemblablement le confinement – soit l’interdiction de se déplacer à l’extérieur de son domicile – et la fermeture des frontières, qui constituèrent les marques les plus tangibles de notre mise sous cloche.

C’est donc bien le déplacement, qu’il prenne la forme de la micromobilité quotidienne ou du voyage au long cours, qui borne l’ère des gestes barrières : le voyage, où tout commence et tout finit.

De portes de prison en Mur de Berlin, on pourrait gloser sur les liens étroits qu’entretiennent liberté de circulation et liberté tout court. On pourrait aussi se faire plaisir à égrener les vertus indispensables de la rencontre, de la confrontation à l’Autre, essentielle pour se connaître soi-même et, par capillarité, de la nécessité impérieuse de se déplacer.

Mais on nous rétorquerait que le voyage désintéressé revêt, dans cette perspective, une noblesse dont le voyage d’affaires est dépourvu. Ce serait pourtant faux. Car si, les ordres de mission contraignent à la justification – “visite client/prospect/partenaire/fournisseur”, « visite filiale”, “motivation équipe”, “séminaires”… – ces libellés nous paraissent bien lapidaires, trop prosaïques.

Le voyage d’affaires, quels que soient son motif, ses enjeux, son objectif, c’est aussi et avant tout, une rencontre. Et donc : un partage d’expérience, un transfert de connaissances, une courroie de transmission du savoir. Pour s’en convaincre, une série de trois articles parus en décembre 2020 dans ces colonnes et intitulée “Que se passerait-il si le BT s’arrêtait ? » traite de ce sujet en détail. Si le BT s’arrêtait, le PIB mondial serait amputé de 1650 milliards de dollars, soit moins deux points… Mais si l’on prenait en compte le manque à gagner en termes d’échanges de savoir-faire ou d’idées, il chuterait de 12,5 points.

> Lire aussi : No more BT ? (1/3) Le BT comme industrie 

> Lire aussi : No more BT ? (2/3) Le BT comme levier de croissance de l’économie 

> Lire aussi : No more BT ? (3/3) Le BT comme vecteur de knowhow

C’est pourquoi le voyage d’affaires doit reprendre, différemment, certainement. Mais toujours avec l’idée que la meilleure des visioconférences, le plus performant des hologrammes (dont Fabrice Bonnifet, directeur du développement durable, déclara lors du dernier Future of Business Travel, qu’il était en test dans le groupe Bouygues) ne pourront jamais offrir les possibilités de la vraie rencontre : le temps, l’informel, l’interaction maximale.

“Et la RSE ?”, s’exclame-t-on. Avec raison, l’enjeu, puisqu’il s’agit de l’avenir de la planète, est indépassable. Il invite certainement à une réinvention totale de notre modèle de développement, une refonte en profondeur de notre conception du progrès et de la croissance. Un sacré chantier. Qui nécessitera des ressources de créativité, d’inventivité, d’innovation incommensurable. Nul doute que la rencontre comme vecteur de knowhow, que le voyage, et le voyage d’affaires en particulier, comme levier d’inspiration, en seront les plus sûrs contributeurs.