[ITW Exclusive] « CWT est sortie du Chapter 11 » (S. Birochau)

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S. Birochau (CWT) :

Depuis vendredi 12 novembre 21h30, CWT est pour ainsi dire sortie de sa procédure de Chapter 11. A la clé, un futur investissement de 100 M$ dans la plateforme myCWT et “un nouveau souffle”, selon Stéphane Birochau, VP EMEA, qui nous a accordé une interview exclusive quelques heures après le jugement rendu par la Cour du Texas.

Depuis hier (vendredi 12 novembre) à 21h30, CWT va mieux ?

Ça aurait même pu aller mieux depuis lundi dernier mais le jugement a été repoussé de quelques jours. Le juge des liquidations de la Cour du Texas a commencé à statuer vendredi à 9h (16h de Paris) et 5 heures et demie plus tard, c’était fait. A vrai dire, la sortie du Chapter 11 ne sera officielle que dans 10 à 15 jours, mais durant ce délai supplémentaire, aucune décision nouvelle ne sera prise, seules des procédures administratives de pure forme auront lieu. C’est donc, de fait, derrière nous.

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En quoi ont consisté ces heures cruciales pour votre compagnie ?

On a présenté au juge l’ensemble de notre dossier qui était en fait, je le rappelle, un accord obtenu auprès de plus de 90% des créanciers de CWT et 100% des groupes bancaires qui garantissaient notre dette. Il y a eu un ensemble de discussions avec les 7% de créanciers avec qui nous n’étions pas parvenu à un accord complet. Puis, vers 21h30 de Paris, le juge des liquidations a entériné l’accord : il a approuvé le plan de recapitalisation. C'est cette souscription très large de tous les acteurs concernés à notre plan qui nous a permis d’utiliser la formule “pre-packaged” du Chapter 11. D’où une procédure extrêmement rapide : moins d’un mois et demi puisqu’elle a débuté début octobre.

Il s’agit, pour le dire rapidement, d’une transformation de dettes en actions. Quels étaient les montants en jeu ?

Ce plan fournit 350 M$ de nouveaux capitaux propres à CWT et il réduit de 900 M$ une dette qui s’élevait à 1,6 milliard de dollars. Et il confirme le fait que nous pouvons continuer à exercer notre métier en tant qu’organisation recapitalisée.

Il reste donc 700 M$ de dettes…

Oui, nous sommes une société endettée à hauteur de 700 M$, un peu comme n’importe quelle entreprise de notre taille, ce n’est pas un problème. Mais dans la période actuelle, le fait d’avoir réduit considérablement cette dette, et donc le poids de sa charge, nous permet de voir les choses complètement différemment dans un contexte évolutif du BT qui est en reprise. Autant cette dette de 1,6 milliard était supportable dans un contexte pré-Covid, autant elle était devenue beaucoup plus difficile à gérer dans le contexte pandémique et post-pandémique.

Certains analystes considèrent que cette dette était excessive même dans un contexte hors-Covid...

A chacun ses analyses. Les précédentes directions qui ont investi et donc généré de la dette l’avaient fait avec un objectif et personne ne pouvait prévoir l’effondrement du marché observé en 2020.

Vos concurrents ont subi la même crise, ils ne sont pas pour autant passés par un Chapter 11…

Nous étions tous dans des situations différentes, avec des stratégies différentes d’une grande TMC à l’autre. Certains ont choisi de la croissance externe. D’autres, comme nous, ont opté pour de la croissance organique au travers de leurs produits. A ce titre, dans la décision qui a été prise vendredi, il est annoncé que nous allons investir 100 M$ dans notre plateforme MyCWT. Cet investissement fait partie de l’accord : il a été approuvé par le juge qui sait que le groupe, ce sont 12 000 personnes dans 140 pays, qu'on a traversé une crise sans précédent et qui, eu égard à ces éléments, a été approuvé dans son intégralité.

Cette dette de 1,6 milliard correspondait à des développements de produits ?

Elle correspond à l’évolution du groupe CWT ces dernières années. Nous avons racheté des entreprises : Protravel (en novembre 2003, ndr) ou Navigant International (pour environ 500 M$ en 2006, ndr); la famille Carlson a repris 100% du capital quand JPMorgan est sorti de notre actionnariat il y a 7 ou 8 ans... Cette dette procède de tous ces faits.

Vous parlez d’actionnariat, qu’en est-il à l’issue de cette recapitalisation ?

La famille Carlson était actionnaire à 100 %. Je ne peux pas vous donner son poids actionnarial aujourd’hui. Je n’ai pas la liste des actionnaires mais je ne suis pas sûr qu’un actionnaire détienne 50% ou plus du capital.

Malgré cette bonne nouvelle pour CWT, la situation reste fragile. Des licenciements sont-ils prévus ?

C’est un autre sujet qui n’a rien à voir avec notre sortie du Chapter 11. Durant la crise, nous avons opéré des procédures de départs volontaires, dans les pays où nous pouvions le faire : en tout 4 à 5 000 sur les 16 à 17 000 collaborateurs. Nous sommes donc aujourd’hui 12 000 à travers le monde. Nous nous sommes appuyés sur les différentes aides gouvernementales dans les pays où elles existaient. Nous avons utilisé différentes procédures en fonction de la baisse d’activité en essayant le plus possible de préserver notre personnel pour la reprise. C’est plus facile de le garder et de le “rebrancher” lors de la reprise que de procéder à des licenciement puis de réembaucher.

C’est ce que nous avons fait en France pour notre millier de collaborateurs. Il n’y a donc pas eu de licenciements et on a lancé, début 2021, un plan d’activité partielle longue durée de deux ans, comme tous nos confrères et, plus largement, tous les acteurs de l’industrie du BT.

Le Chapter 11 est derrière vous, c’est reparti pour CWT ?

Ça ne s’était jamais arrêté, c’est l'un des avantages de la formule Chapter 11 et notamment du "pre-packaged" : la direction est restée en place, a maintenu ses orientations stratégiques… Personne ne s'est ingéré dans l’opérationnel de la boîte au quotidien. Mais je dirais qu'aujourd'hui, effectivement, c'est un nouveau souffle, c'est un nouveau CWT qui arrive, recapitalisé, avec une dette considérablement réduite, avec des fonds propres renforcés, et avec un plan d'investissement de 100 M$ dans notre plateforme. D’un point de vue "fournisseurs" et d’un point de vue "clients", ça ne change rien, sinon que les doutes de certains sur notre solidité financière sont désormais dissipés.