Jurisprudence : se déplacer c’est (potentiellement) travailler

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La Cour de cassation vient de statuer sur le cas d’un salarié qui attaquait son ancien patron et réclamait 14 000 euros. Ce dernier souhaitait que son temps de trajet entre son domicile et son premier et dernier client, soit pris en compte dans son temps de travail. La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français vient de lui donner raison. 

La Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence en matière d’heures supplémentaires pour les salariés itinérants. Les faits débutent avec un salarié itinérant qui se rendait chez ses clients à l’aide du véhicule mis à disposition par son employeur. Au cours de ses trajets automobiles, ce salarié exerçait ses fonctions commerciales habituelles à l’aide de son téléphone professionnel en kit main libre. Une partie de ses communications téléphoniques professionnelles avaient lieu sur le chemin qui le menait de son domicile à son premier client puis de son dernier client à son domicile, sans faire l’objet d’une rémunération.

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Suite à son licenciement, ce travailleur a demandé le paiement d’un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires correspondant à ses temps de trajets de début et fin de journée professionnelle à hauteur de 14 000 euros. La question à laquelle devait répondre la Cour de cassation était alors : « Le temps de trajet d’un salarié itinérant entre son domicile et son premier client, puis entre son dernier client et son domicile doit-il être pris en compte pour le paiement de son salaire et dans le décompte de ses heures supplémentaires, lorsque le parcours de sa tournée commerciale est défini par l’employeur ? »

Condamnation de l’employeur et évolution de la jurisprudence

La Cour de cassation a, en vue des éléments présentés, statuée en faveur du salarié et fait évoluer la jurisprudence au regard du droit de l’Union européenne : « Tenant compte du droit de l’Union européenne, la Cour de cassation prend désormais en compte les contraintes auxquelles les salariés sont réellement soumis pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif ». Ce qui n’était pas le cas auparavant puisque le code du travail, en son article L 3121-4, « considère que le temps de déplacement domicile/lieu de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, une contrepartie est obligatoire (sous la forme d’un repos ou d’une compensation financière) lorsque le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel est dépassé ».

Concrètement qu’est ce que cela change ? Désormais, en cas de litige, le juge devra vérifier si, pendant ce temps de trajet, le salarié itinérant doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Si tel est le cas, ce temps de trajet devra être pris en compte dans le temps de travail effectif, notamment au titre du décompte des heures supplémentaires réalisées. Dans le cas contraire, le salarié itinérant ne pourra prétendre qu’à la contrepartie financière ou sous forme de repos prévue par l’article L.3121-4 code du travail, lorsqu’il dépasse le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail. Autrement dit, il y a deux cas de figure : le premier est que le salarié en question lors de son temps de trajet doit se rendre disponible pour son employeur ou ses clients. Dans cette configuration, cela est considéré comme du travail effectif et ce temps de trajet doit être rémunéré en heures supplémentaires. Dans le second cas, le travailleur itinérant dépasse son temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail mais n’est pas sommé de répondre aux demandes de son employeur ou de ses clients. Cela n’est donc pas considéré comme du travail effectif mais doit néanmoins faire l’objet d’une compensation financière ou sous forme de repos.