Vers une hausse inéluctable des tarifs hôteliers

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Après deux ans de crise sur fond de pandémie et de guerre en Ukraine, le secteur de l’hôtellerie se trouve durement impacté par les restrictions sanitaires, une augmentation des charges et un retour de la clientèle mesuré. Une hausse des tarifs est-elle inévitable pour compenser les pertes des mois précédents et celles à venir ? On fait le point…

Avec un chiffre d’affaires de 129 millions d’euros en 2021 (+50%), Best Western France voit son CA croître par rapport à 2020, mais reste encore en deçà des niveaux pré-pandémie de 2019 (-33%). Si la clientèle Loisirs a très vite réinvesti les propriétés du groupe, la clientèle Corporate tarde à revenir. «Ce qui manque aujourd’hui est le retour des grands voyageurs internationaux. L’année 2021 a encore été une année très Loisirs», déclarait Quentin Vandevyver, Président du réseau français, lors d’une conférence de presse.

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En détail, les voyageurs français représentent 80% de la clientèle en 2020, contre 3% pour les Allemands et 2% pour les Belges. Chez Accor, même son de cloche. Le groupe a généré 2,2 milliards d’euros de CA, en hausse de 34% par rapport à 2020, mais reste en baisse de 42% par rapport à 2019. La dette, elle, s’établit à 1 844 millions d’euros en 2021, contre 1 346 millions au 31 décembre 2020. 

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En cause, le maintien des restrictions sanitaires pour lutter contre le Covid-19, notamment avec la mise en place du Pass vaccinal. En 2022, si les premières données portent à l’optimisme grâce à la levée des restrictions et à la réouverture des frontières, l’invasion de l’Ukraine par la Russie pourrait rebattre les cartes : «Face à la crise sanitaire et le conflit entre la Russie et l’Ukraine, nous nous attendons à une hausse des prix de l’énergie et des matières premières. Il va également falloir rembourser les PGE. Les augmentations de coûts sont multiples et il y aura forcément des conséquences sur les coûts finaux pour nos clients», rationalisait Quentin Vandevyver.

Hausse des charges et remboursement des emprunts

Voilà qui est dit : la hausse des tarifs dans l’hôtellerie est inévitable. Pour Perrine Edelman, Directrice associée de Coach Omnium, les tarifs étaient déjà revus à la hausse chaque année depuis 10 ans. Elle est aujourd’hui plus importante du fait de la crise économique liée à la pandémie et le contexte géopolitique en Europe. « Cette augmentation sert à compenser plusieurs éléments. Premièrement la baisse de la fréquentation, le taux d’occupation est à la baisse il faut donc compenser ce que l’on a perdu et ce que l’on va perdre. Ensuite, les hôteliers vont devoir rembourser les PGE et les emprunts contractés durant la crise du Covid. Puis il y a les charges avec une hausse des coûts des matières premières pour l’alimentation mais aussi l’énergie », explique-t-elle. En moyenne, les dépenses énergétiques pour un professionnel représentent aujourd’hui 5% de son CA : « Et cela ne va faire que s’accélérer avec le conflit entre la Russie et l’Ukraine ». 

A cela vient s’ajouter une hausse des salaires dans le but de garder la main d’œuvre dans un secteur qui peine à recruter. « Hors avantages en nature et indemnités, le SMIC dans l’Hôtellerie-Restauration s’élève aujourd’hui à 1 955 euros brut mensuel, contre 1 603 euros en 2019. En 2023, les prévisions annoncent un salaire brut de 2 050 euros, soit près de 100 euros de plus en un an », ajoute la Directrice de Coach Omnium. 

Un « juste prix » difficile à établir 

Mais comment et sur quelle base cette hausse des prix est-elle calculée par les hôteliers ? Pour Perrine Edelman, il est justement compliqué pour les professionnels du secteur de connaître le « juste prix ». Selon une étude réalisée par Coach Omnium, 60% des hôteliers indépendants les fixeraient selon les prix de la concurrence locale et seuls 15% les détermineraient en fonction des prix de revient. « Les prix fluctuent en fonction des périodes de l’année et de la demande. Il est donc compliqué pour le client de s’en rendre compte dans tous les cas », estime-t-elle. Du côté des entreprises en revanche, la différence est nettement plus visible en ce qui concerne l’activité MICE puisque celle-ci se base sur des « forfaits » : « Aujourd’hui les hôteliers sont contraints d’augmenter leurs tarifs mais ils ne le font pas dans le but d’améliorer leur offre, mais pour compenser des pertes et payer leurs charges. Il est donc possible que la perception soit mauvaise du côté du client… ».

Mais les professionnels de l’hébergement ont-ils vraiment le choix ? Concernant la reprise, Michel Morauw, Area Vice President Hyatt France et directeur général du Hyatt Regency Paris Etoile, nous confiait il y a peu que : « La seule incertitude désormais concerne la situation géopolitique de l’Europe. Si nous sommes loin, pour le moment, des impacts liés au Covid, la donne va probablement changer sur certains marchés et il va falloir y être attentif. Nous avons appris à nous adapter ».

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Mais aujourd’hui il semble être compliqué d’avoir des perspectives sur la crise en Ukraine, avec un risque d’enlisement du conflit et les courbes des contaminations du Covid-19 qui repartent à la hausse. Pour Perrine Edelman il est certain que le temps de crise n’est pas encore dernière nous et que nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles restrictions une fois les élections présidentielles passées… 

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