Hôtellerie super-éco/économique, the new place to be des voyageurs d’affaires ?

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Longtemps boudée par la clientèle affaires et « victime » de nombreux a priori, l’hôtellerie super-éco/économique prend sa revanche. Evolution de l’offre, changements stratégiques, inflation et virage RSE, certaines marques arrivent à s’imposer sur le marché corporate et à casser les stéréotypes.

En tête des dépenses des voyageurs d’affaires selon un rapport publié par GBTA, les dépenses pour l’hébergement atteignaient 395 milliards de dollars en 2022, contre 183 milliards pour l’aérien et 191 milliards pour la restauration. En 2023, ces dépenses devraient encore augmenter à cause de, en partie, l’inflation et la demande croissante. A l’heure où les entreprises souhaitent réaliser des économies, revoir le standing des établissements hôteliers qui composent les PVE peut-être une solution.

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Emmanuel Petit, Président d’Eklo Hôtel et ancien de chez Accor, nous confirme l’intérêt de la clientèle corporate pour ses établissements mêlant prix accessibles, lifestyle et dimension RSE. Avec un premier hôtel ouvert en 2014, le parc du groupe se compose aujourd’hui de plus de 10 établissements, tous non franchisés. « Il y a 10 ans, je me suis rendu compte que le segment du super-éco/éco était en train d’évoluer, notamment grâce à l’émergence des marques lifestyle comme Mama Shelter », nous explique-t-il. Son objectif : proposer une offre ultra-économique et sortir des hôtels standardisés. Quelques années plus tard, ses choix semblent être les bons. « La standardisation a un côté rassurant pour la clientèle corporate mais de plus en plus de voyageurs cherchent à vivre une expérience différente que celle proposée dans les chaînes, comme dans le BtoC. La clientèle corporate représente aujourd’hui 50% de notre clientèle et pourtant nous n’avons jamais poussé la commercialisation. Nous commençons tout juste à négocier des contrats avec les entreprises », ajoute-t-il. La faute (ou grâce) à un contexte inflationniste mais surtout à une offre qui évolue et des entreprises qui souhaitent intégrer dans leurs PVE des concepts différents.

Le modèle low cost bien plus accepté aujourd’hui 

Chez easyHotel, un changement stratégique important a été opéré en 2019. Depuis, la société anglo-saxonne souhaite s’imposer sur le marché européen, notamment en France. Son credo : super deal, super easy et super bas carbone. « Nous proposons des hôtels où l’on peut bien dormir, où les normes acoustiques sont bonnes et où vous retrouvez tous les essentiels de l’hôtellerie classique », déclare Karim Malak, son CEO. Et les établissements accueillent en moyenne 30% de clientèle affaires, ce qui est plus « que ce qu’on a imaginé au départ ». Avec un positionnement mixte mais surtout Loisirs, la marque s’est en effet étonnée du nombre de voyageurs d’affaires de passage dans ses hôtels. « Niveau clientèle, il s’agit surtout de salariés ou dirigeants de PME et d’auto-entrepreneurs », précise-t-il. Selon lui, comme Emmanuel Petit, les comportements et habitudes de réservation sur le marché BtoC, déteignent sur le BtoB, faisant évoluer les tendances en matière de voyage d’affaires. Il ajoute : « Un employé ne comprendrait pas aujourd’hui s’il n’avait pas accès à ce type d’établissement ou que ça ne fasse pas partie des PVE. Les voyageurs et les entreprises ont besoin d’optimiser les coûts et finalement, ils ne sont là que pour dormir et prendre quelques rendez-vous téléphoniques, ce à quoi nos hôtels sont parfaitement adaptés ».

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Concernant la mauvaise image dont pourrait souffrir l’hôtellerie low cost, Karim Malak pense que le modèle est aujourd’hui accepté : « Personne dans le corpo ne s’interdit de prendre une compagnie low cost pour un court trajet. Pareil pour l’alimentaire, même des cadres peuvent aller faire leurs courses chez Aldi ou Lidl. L’acceptation du modèle est beaucoup plus forte qu’avant et la tendance à l’inflation dure… Avant, on parlait essentiellement d’hôtellerie de luxe ou de boutique hôtel, désormais les voyageurs veulent un produit utilitaire, facile à réserver, abordable et qualitatif ». Une tendance qui aide le secteur à se structurer et à se développer.

F1, Ibis Budget, Greet : le trident d’Accor

Mais comment parler du segment super-éco/économique sans évoquer F1 (ex Formule 1)? La marque super-économique d’Accor a également revu sa copie il y a quelques années. « On avait remarqué que le réseau ne progressait plus et qu’il y avait un vrai besoin de rénovation. Un plan très important a débuté en 2018 avec l’objectif de rénover tous les établissements du réseau en repensant au design, à notre offre de chambres, notamment les chambres doubles avec salle de bain privée, et intégrer une dimension RSE importante », nous confie Florence Liger-Tourres, VP marketing eco brands Europe & North Africa chez Accor. Le groupe a également dépoussiéré l’offre Ibis Budget et créé Greet, sa nouvelle marque super-économique et écoresponsable. Des 3 marques sur le segment, c’est cette dernière qui, selon Florence Liger-Tourres, se développe le plus avec environ 15 nouveaux établissements par an, soit « le même rythme que les Ibis Style ».

Contrairement aux concurrents, Accor ne perçoit pas d’évolution particulière concernant la négociation des contrats corporates. « Il n’y a pas de report de cette clientèle sur ce segment, pour le moment. Sur 2024-2025 cela va peut-être changer…Globalement, les voyageurs d’affaires ne sont pas notre cible sur ces marques-là mais l’inflation pourrait faire évoluer les choses, tout comme l’évolution des besoins. Sur Greet notamment, le positionnement écoresponsable pourrait progressivement séduire les acheteurs et chefs d’entreprises en proposant une offre qui entre dans leur stratégie RSE et d’économie de coûts », ajoute Florence Liger-Tourres. 

Que cela soit pour des raisons économiques, de praticité ou de disponibilité, l’hôtellerie super-économique a de nombreux atouts pour accueillir un nombre croissant de voyageurs d’affaires. En se projetant dans un contexte économique où l’inflation perdure, ce type d’établissement pourrait être une solution pour limiter les coûts des budgets hôteliers. Pour les voyageurs d’affaires, l’évolution des PVE aurait un impact positif en leur proposant des expériences différentes, à condition de sélectionner les bons établissements et de laisser les hôtels de bord de route sur le bas côté.