Business model des TMC : les calculs ne sont pas bons

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L’heure de la révolution a-t-elle sonnée pour les acteurs de la distribution ? A l’occasion de sa Convention Nationale, l’AFTM a réuni 4 acteurs du marché du voyage d’affaires pour tenter d’y répondre. Un débat qui a permis de mettre en perspective les évolutions nécessaires pour répondre aux besoins des clients et pérenniser le business model des TMC.

Tout d’abord, comme le rappelle François-Xavier Izenic, une petite remise en contexte s’impose.  L’industrie du BT a été fortement impactée par la crise du Covid-19 et l’est encore, notamment en Europe, par l’inflation et le contexte géopolitique complexe : « Lors de la reprise, les TMC ont notamment dû faire face à une baisse de leurs transactions, de leur rémunération et du manque de main d’œuvre tout en devant assurer un service optimal ». Vient alors rapidement le sujet de NDC sur la partie aérienne mais pas seulement : la libéralisation est également au cœur du sujet.

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« La SNCF a annoncé une baisse des commissions à 2,7% d’ici 2025 et la distribution des trains OUIGO avec une commission de 1% pour chaque transaction, sachant que le prix moyen d’un billet est de 30 euros », ajoute-t-il. De leur côté, les entreprises clientes doivent elles aussi faire face à l’augmentation des coûts après plus de deux ans de crise sanitaire et peinent à piloter de façon optimale leur budget. La recherche est donc à la réduction des coûts, notamment concernant le voyage d’affaires tout en ayant, plus que jamais, besoin d’accompagnement et d’assistance pour l’organisation de ces derniers.

Entre prise en étau et valorisation de la qualité de services 

« Ce mouvement de prise en étau est assez révélateur de la pression exercée par les deux parties. Pour l’entreprise, essayer de réduire la facture du côté de la TMC lui apparaît comme étant la meilleure solution car c’est un coût fixe. Les agences doivent donc garantir un accompagnement optimal tout en ayant des prix ultra compétitifs », déclare Christophe Roth, director of missions chez EPSA. Pour les TMC qui voient leurs commissions baisser, le calcul n’est donc pas toujours le bon. « Aujourd’hui lorsqu’on répond à un appel d’offres ou à la demande d’un client trop exigeant on n’hésite plus à dire stop. Si cela ne nous convient pas on arrête et c’est quelque chose de nouveau mais de beaucoup plus sain au final », confie Yorick Charveriat, DG France d’Amex GBT. « On ne peut pas travailler avec zéro commission et celles qui prétendent le contraire c’est faux sinon la société ne peut pas survivre », ajoute-il. L’industrie doit-elle alors revoir entièrement son business model pour être pérenne ? Christophe Jacquet, directeur général d’Havas Voyage se dit, « toujours aussi choqué par le modèle économique du secteur et du comportement d’Air France ou de la SNCF concernant le système de rémunération ».

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« Pour NDC par exemple, même si je suis convaincu de sa nécessité, les compagnies se sont trop focalisées sur la rentabilité et pas assez sur les problématiques autour de l’intermédiation et de la productivité. Dans le business travel, une vente NDC va nous demander bien plus de temps et nous ne sommes pas encore prêts ». Concernant le modèle économique des TMC, le dirigeant déplore un manque de valorisation du service et craint une perte de qualité de ce dernier : « Je pense qu’on arrive dans une période post-Covid de désillusion du digital. L’humain reste essentiel dans notre métier mais cela a un coût ».

Transparence et innovation technologique 

Même constat pour Grégory Mavoian, Président de Manor, pour qui « tout s’accumule ». « Il y a eu le Covid, on a dû réduire les effectifs car il n’y a pas ou très peu d’activité, ensuite nous avons manqué de personnel lors de la reprise et en parallèle nous devons nous adapter à la libéralisation du rail, à l’arrivée de NDC…ça fait beaucoup », souligne-t-il. Concernant le manque de transparence sur les prix qu’affichent certaines TMC, Yorick Charveriat précise que les acteurs doivent souvent faire face à des idées préconçues et fausses : « Nous sommes devenus bien plus transparents qu’auparavant et nous sommes surtout plus dans la personnalisation grâce à l’innovation technologique. Sur cette dernière, il faut encore que l’adoption par les clients se fasse. A titre d’exemple, plus de la moitié des appels que nous recevons concerne encore la modification ou l’annulation d’un billet alors que cette fonctionnalité est disponible en ligne ».

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La question du juste prix

Selon Grégory Movoian, tout n’est pas une question de prix mais de savoir si lorsque je fais appel à une TMC « j’en ai pour mon argent côté service ». Dans la salle, les avis divergent et certains font part de leur mécontentement concernant ce point. Pour Christophe Jacquet, les TMC n’ont pas su donner assez de relief, de valeur à leur métier : « Je pense que nous avons notre part de responsabilité dans ce qui se passe aujourd’hui ». Grégory Mavoian parle même de manque d’image de marque : « Aujourd’hui encore nous ne sommes pas vus comme des marques mais comme des ‘tuyaux’ ». Un constat que partage le DG France d’Amex GBT pour qui : « Si le prix est le premier critère de choix lors d’un appel d’offres, c’est que nous avons mal vendu notre produit ». Des propos qu’il tient à tempérer en déclarant que le client est « bien mois bête qu’on ne le croit » et dont les critères évoluent, notamment sur la prise en compte de la politique RSE.

Vers la fin d’un modèle 100% transactionnel ? 

Pour les quatre experts, tous s’accordent à dire que le business model des TMC doit évoluer et que l’écosystème doit suivre. Concernant l’émergence des neo-TMC (sans les citer), le patron d’Havas déclare qu’il n’a pas à rougir de son modèle et « je sais que j’ai quelque chose mieux à proposer en termes de qualité de services ». Pour Yorick Charveriat, la technologie des TMC leur permet désormais de répondre à chaque demande et de personnaliser davantage les prestations : « Je pense que nous nous dirigeons vers un modèle hybride où il y aura une partie du business model basé sur de la transaction et du forfait ». Christophe Roth termine en concluant : « C’est effectivement le bon moment pour repenser le modèle avec plus de transparence et une rémunération juste afin de garantir une qualité de services, élément essentiel au cœur du métier des TMC ».