Faillite de WeWork : chute d’une entreprise ou d’un marché ?

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Après avoir officialisé son dépôt de bilan il y a quelques jours, la faillite de WeWork doit-elle faire craindre la chute du marché du coworking et des bureaux partagés. Plusieurs acteurs du secteur ont pris la parole auprès de DeplacementsPros. 

Le 7 novembre dernier, la nouvelle faisait l’effet d’une bombe : WeWork déposait le bilan et se plaçait sous Chapter 11, en espérant une potentielle reprise. Autrefois valorisée à 47 milliards de dollars, l’entreprise ne valait plus que 64 millions de dollars à la clôture de Wall Street au début du mois. Créé en 2010, le géant américain des bureaux partagés connaissait d’importantes difficultés financières depuis 2019. Véritable pionnier du marché du coworking et des bureaux partagés, faut-il craindre que d’autres sociétés mettent elles aussi la clé sous la porte ? Assiste-t-on à la chute d’une entreprise, ou d’un marché ?

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Pour Claire du Boislouveau, head of External Relations chez Comet, WeWork a contribué à créer le marché que l’on connaît aujourd’hui. « Il ne faut pas nier l’importance et l’influence qu’ils ont eu sur l’émergence du marché du coworking et des bureaux partagés. Ils sont à l’origine d’une véritable révolution dans la façon de repenser le bureau et notre façon de travailler », ajoute-t-elle. En revanche, l’administration d’entreprise et la gestion de la société semblent être les principales causes de cette faillite. « Leurs difficultés s’expliquent par un défaut de gouvernance couplée à un développement trop rapide et couteux avec des investissements très lourds », précise Stéphane Bensimon, CEO de Wojo. Selon lui, si la chute est symbolique, il faut dissocier le sujet WeWork du marché.

Un marché en plein essor selon les acteurs

A ce compte-là, Mehdi Dziri, directeur général chez Ubiq, tient à confirmer que d’un point de vue business, le modèle des bureaux partagés et du coworking n’a jamais aussi bien fonctionné. « Le marché a gagné en maturité, l’offre s’est diversifiée avec des acteurs solides, notamment en France. De plus en plus d’entreprises, dont des grands groupes, adoptent ce modèle. En termes de croissance, même si elle est moins soutenue à cause du contexte économique depuis début 2023, la tendance est toujours à la hausse », précise-t-il. A cela s’ajoute une crise de l’immobilier de bureaux qui penche en leur faveur et un retour sur site des salariés.

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« Depuis le Covid, de nombreuses sociétés, quelque soit leur taille, ne souhaitent plus s’engager sur 3, 6 ou 9 ans car elles n’ont pas de visibilité sur le développement de leur activité. Toutes ces crises viennent finalement servir l’offre flexible car les entreprises souhaitent limiter les surfaces dans un objectif de rationalisation des coûts et avoir un contrat flexible en cas de sortie », précise Claire du Boislouveau. En parallèle, elle affirme que la tendance est au retour au bureau et que le 100% télétravail n’est pas un modèle favorisé par les entreprises : « Que cela soit du côté des salariés comme des employeurs, le travail hybride est plébiscité. Il faut réussir à trouver un équilibre entre le tout télétravail et le 100% présentiel mais dans l’ensemble on observe un retour au bureau ».

La chute d’un empire qu’il faut dissocier du reste du marché

 Chez Wojo, le taux d’occupation avoisine les 95% dans la majorité de leurs sites et Stéphane Bensimon assure que la demande n’a jamais été aussi forte : « La chute de WeWork jette un peu le trouble sur le modèle économique mais il faut la dissocier du reste du marché. » Au-delà de l’aspect flexible de l’offre, le CEO de Wojo assure que ce qui attire les entreprises est cette dimension de bien-être au travail et la volonté de proposer une offre avec un véritable service aux collaborateurs, un bon moyen de les faire revenir sur site. Concernant l’aspect économique Mehdi Dziri affirme que ce n’est pas le premier critère de choix pour les sociétés puisqu’au final, ce dernier est souvent plus cher qu’un loyer dans de l’immobilier brut. Avant de préciser : « Cela peut être plus cher mais tout est compris. De l’aménagement, aux charges, en passant par les frais d’entrée et de sortie. A chaque entreprise de trouver la bonne équation en fonction de ce qu’elle cherche. »

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Une chose est certaine, tous s’accordent à dire que si le marché était incarné par WeWork il y a encore quelques années, aujourd’hui ce n’est plus le cas. « Le marché est suffisamment solide pour que l’on continue, nous acteurs du coworking et des bureaux partagés, sans eux », déclare Claire du Boislouveau. En revanche, un potentiel rachat ou un sauvetage du géant américain serait une bonne nouvelle selon Mehdi Dziri. « Il faut continuer de repenser le bureau et nos façons de travailler. Pour cela, WeWork reste le pionnier en matière d’innovation et nous avons besoin de ce type d’acteur pour pousser le marché à s’améliorer et à devenir plus responsable », conclut-il.