Passeports sanitaires « publics » : où en est-on dans le monde ?

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Le "green pass" israélien, passeport sanitaire le plus abouti.

Si la maîtrise de la pandémie passera par une vaccination massive, la liberté de voyager par-delà les frontières sera recouvrée par le déploiement de passeports sanitaires. Où en est-on des différents projets à travers le monde ?

Du Travel Pass de l'IATA à l'AOK Pass utilisé par plusieurs compagnies aériennes françaises dont Air France, les initiatives "privées" en matière de passeports sanitaires ne manquent pas. Si elles ont pour vertu de fluidifier les embarquements et de montrer que c'est techniquement possible, chacun s'accorde à dire que le Graal sera d'origine publique. 

Pour que la liberté de circulation soit de nouveau effective à travers le monde, il faudra que ces différents passeports bénéficient d'une reconnaissance des autres Etats - ce qui passe notamment par un dispositif jugé fiable mais aussi par une reconnaissance des vaccins intégrés dans tel passeport. Les obstacles ne manquent donc pas. Mais avant d'envisager ce processus de reconnaissances mutuelles, il faut bien que les initiatives "locales" se développent - et déjà pour ce premier étage de la fusée, les choses sont compliquées.

Passeport vert israélien, le plus abouti

A tout seigneur, tout honneur : Israël étant le pays le plus avancé en termes de vaccination, il est logique que le certificat sanitaire le plus abouti ait vu le jour sur son territoire. Depuis le 23 février qu'il est en service, le "passeport vert" relève avant tout de l'usage domestique (accéder aux salles de sport et aux piscines, assister aux événements sportifs et culturels...). Mais déjà - et dès avant son déploiement - l'appli sanitaire a permis à Israël de développer une série d'accords bilatéraux (Grèce, Chypre) pour la mise en place de "bulles de voyages" entre ces pays dès ce mois d'avril. Une préfiguration de ce qui pourrait advenir dans d'autres pays.

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L'union européenne en session de rattrapage

Un certain nombre de pays, de Scandinavie et d'Europe du Sud notamment, ont annoncé leur volonté de déployer une appli certifiant l'immunité, la vaccination ou la possession d'un test PCR négatif. Mais le projet le plus ambitieux est bien celui de l'Union européenne puisqu'il permettrait aux 450 millions de ressortissants de l'espace Schengen de voyager librement entre chacun des 26 Etats qui le composent. La Commission européenne a mis le sujet sur la table il y a deux semaines. Les Etats européens doivent à présent trouver un accord pour une appli commune. Pas une mince affaire : des questions éthiques tant que les vaccins ne seront pas en nombre suffisant ou encore la reconnaissance commune de certains vaccins (la Hongrie, notamment, est le seule pays de l'UE a utiliser des produits chinois) risquent de faire durer les discussions. Si un tel accord est trouvé, un vote pour adoption avant déploiement sera présenté aux parlementaires européens à la mi-juin. Après une gestion de la crise pandémique pour le moins chaotique et hasardeuse, cette session parlementaire apparaît pour l'UE comme une session de rattrapage. C'est pourquoi l'espoir est réel.

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Le casse-tête chinois

A quelques semaines près, on aurait pu croire à un poisson d'avril. Depuis début mars, le passeport sanitaire chinois, pour l'heure réservé aux seuls Chinois se trouvant à l'étranger et désireux de rentrer au pays, ne reconnaît que les vaccins "maison". Problème : il n'y a pratiquement qu'en Chine qu'ils sont administrés. Certes, la "diplomatie des vaccins" de Pékin a eu pour résultat l'exportation de leurs produits dans certains pays d'Afrique ou des Balkans mais, à supposer que l'utilisation du passeport santé s'étende aux ressortissants de ces pays, ils ne sont pas les plus dynamiques en termes de voyages internationaux. Pour l'instant, les vives tensions entre le camp occidental et la Chine laissent peu d'espoir à la reconnaissance mutuelle des vaccins. Des prétextes sanitaires aux fondements politiques qui obèrent jusqu'à nouvel ordre la perspective d'un passeport sanitaire chinois qui permettrait de voyager en dehors de sa sphère d'influence la plus directe.

> La Chine lance son passeport santé

L'exception américaine

Mardi dernier, la porte-parole de la Maison Blanche assurait qu’il n’y aurait "pas d’obligation fédérale exigeant de tous l’obtention d’un certificat unique de vaccination". Une façon, pour Joe Biden, de ne pas trop se mouiller sur un sujet potentiellement explosif. Entre l'Etat de New-York qui met en place son passeport Excelsior permettant d'accéder à certains lieux publics et la gouverneure du Dakota du Sud qui considère l'idée "anti-américaine", l'unanimité est un horizon bien lointain. C'est dans le pays le plus fédéral du monde que la règle du passeport d'origine publique pourrait trouver l'exception qui la confirme. En effet, en matière de passeport sanitaire à usage international, c'est une initiative privée, le Common Pass, due à une organisation à but non lucratif, qui apparaît comme le projet le plus avancé. Mais la route est encore longue, surtout si les antagonismes Démocrates (plutôt favorables) / Républicains (plutôt contre) se cristallisent sur le sujet. On comprend la prudence de Biden...

> Lire aussi : New-York lance Excelsior son passeport sanitaire numérique

> Lire l'article de L'Echo touristique : Etats-Unis : l'idée d'un passeport vaccinal encore très controversée

Au Royaume-Uni, pas de passeport sanitaire "voyage" en vue

Lundi dernier, le Premier ministre Boris Johnson a présenté un projet de passeport sanitaire très controversé car jugé discriminatoire qui permettrait d'accéder à des lieux publics pour les ressortissants britanniques. Dans le même communiqué, il précise les règles qui prévaudront pour les déplacements internationaux : un système tricolore en fonction du pays d'où l'on vient qui durcit les règles selon que l'entrant est en provenance d'une zone verte, orange, ou rouge. Preuve que les deux sujets sont déconnectés. Pour l'heure, le passeport sanitaire britannique permettra peut-être d'assister, à la mi-avril, à la finale de la Coupe d'Angleterre de football au stade de Wembley (qui, pour expérimentation, recevra du public), mais pas pour voyager.